Entre le jeudi 16 juillet et le vendredi 17 juillet 1942, à la demande de la Gestapo, et avec la collaboration des plus hautes autorités de l’Etat français, le ministère de l’intérieur organise une rafle destinée à arrêter 25.000 Juifs à Paris et en région parisienne. Les arrestations sont menées par des policiers municipaux, des inspecteurs de police et des gendarmes.
13.152 juives et juifs fichés sont arrêtés dont 4 115 enfants de 2 à 16 ans. Plus de 8 160 sont internés pendant une semaine au Vélodrome d’Hiver dans des conditions terribles, et les autres, enfermés au camp à Drancy.
A partir du 19 juillet, au rythme de quatre convois par semaine au départ de la gare du Bourget, la grande majorité a été assassinée au camp d’extermination d’Auschwitz II Birkenau.
La circulaire secrète de la Préfecture de Police n°173-42 précise, dans le détail, les conditions de mise en œuvre de la froide machine policière.
Dans le tableau ci-dessous, en dernière page de la circulaire, apparaît le nombre de personnes à arrêter par arrondissement et commune. Pour Noisy-le-Sec figure le nombre de 45. Il s’agit d’un chiffre global qui couvre la circonscription de Noisy qui comprend à l’époque les communes de Bondy, Villemomble, Rosny-sous-Bois et Pavillons-sous-Bois.
A ce jour, nous avons trouvé la trace de 4 Noiséens raflés le 17 juillet 1942. Nous continuons nos recherches.
Selon le schéma observé dans les villes avoisinantes, après avoir été raflées à leur domicile, les victimes noiséennes, célibataires ou couple sans enfant, sont regroupées au commissariat ou à la gendarmerie avant un départ commun en camion vers le camp de Drancy, ultime étape vers les camps de la mort et leur assassinat.
Sarah / Sura Finkelstein
Sarah est née en 1894 à Varsovie (Pologne). Le recensement de 1936, nous indique qu’elle est déjà noiséenne à cette date et exerce le métier de couturière, métier qu’elle ne pourra plus exercer à compter de 1941. Très vite les Juifs sont exclus de la fonction publique, ne peuvent plus côtoyer d’aryens, sont exclus de nombreux métiers, des lieux publics avec un accès limité aux transports en commun. Elle habite au 56 rue des Carrouges, chez les Lebrun. Elle est célibataire lorsque les gendarmes français viennent l’arrêter le 17 juillet 1942.
Elle est transférée au camp de Drancy d’où elle partira le 29 juillet 1942 par le convoi n°12 en direction d’Auschwitz. Ils étaient 1001 (dont 26 enfants) à composer ce convoi.
En 1945, ils n’étaient que 5 survivants.
F/9/5611, Archives Nationales
Anita Grunblatt, née Fogiel
(L’orthographe des noms peut varier d’un document à l’autre).
Alte-Perl-Pola-Anta Fogiel est née en 1902 à Blonie, Varsovie, Pologne. Elle est la fille de Schmuel Fogiel. Elle se marie, après 1922, avec Srul Grunblatt. Elle habite au 31 boulevard de la Boissière, un appartement au-dessus d’un commerce qui existe encore de nos jours.
Srul, marchand forain, a été arrêté, par convocation, le 14 mai 1941 en tant que juif étranger, le motif indiqué par la Préfecture de Police du Loiret à Orléans est : « En surnombre dans l’économie nationale ». Il est interné au camp de Beaune-la-Rolande avant d’être déporté vers les camps de la mort le 27 juin 1942. Malgré cela, Anita, n’a pas fui. Pour aller où ? Jusqu’à ce jour, ce sont principalement les hommes qui ont été arrêtés.
Le 17 juillet 1942, la police française vient la chercher chez elle. La tâche est aisée car les fiches indiquent les domiciles des juifs qui se sont fait recenser comme les lois des 3 et 4 octobre 1940 et celle du 2 juin 1941 les y obligent. Transférée au camp de Drancy, elle est déportée pour Auschwitz Birkenau par le même convoi que Sarah (sans retour).
Mémorial de la Shoah, FRAN107_F_9_5613_010394_L
Pour chaque personne, il existe deux fiches, à droite la fiche établie par la Préfecture de Police et à gauche celle de l’enregistrement lors de l’arrivée au camp de Drancy.
Jeanne et Elie Lilienfeld
Jeanne Schney est née le 24 décembre 1904 à Eupatoria (Russie). Sa famille s’est réfugiée en France dans les années 1920. Des juifs de Russie, victimes d’antisémitisme, fuient, comme bien d’autres, la Révolution et la guerre civile.
Son père, Aaron Abrahamov, est horloger. Il s’établit avec sa femme et ses quatre enfants à Paris dans le 1er arrondissement puis dans le 4ème. Sa sœur Sarah et son frère Bernard, sont naturalisés français mais sont déchus de leur nationalité par la Loi du 19 juillet 1941. Son autre sœur, Rébecca dite Régine, vendeuse, échappe à la déportation comme le reste de la famille à l’exception des deux beaux-frères, Moïse Schtatzib et Itzek Fingermann, tous deux assassinés à Auschwitz.
Jeanne, la plus jeune de la fratrie, épouse le 26 octobre 1933 à Paris 4ème, Elie Lilienfeld, ouvrier maroquinier, né le 12 juin 1902 à Pétrograd, Russie. Il est le fils de Leiba Lilienfeld et Félicie Stolzenberg. Un contrat de mariage est dressé par Maître Josset Alexandre, notaire à Paris le 24 octobre 1933 (régime de la séparation de biens).
Mémorial de la Shoah/Coll. Edith Reuter
Ils tiennent un commerce au 184 rue de Paris à Noisy-le-Sec. Il s’agit d’un magasin de lingerie et confection, RC de la Seine n°682 254. Jacqueline B., se souvient que son grand-père s’habillait chez celle que l’on surnommait « la petite Jeannette ». Le bâtiment, construit en 1937, existe toujours à l’angle de la rue de Paris et de l’avenue Gallieni….
25 janvier 1941, le commissaire gérant A. Callière, écrit « Mme Lilienfekd tient une petite boutique de peu d’importance et de modeste apparence de mercerie lingerie. Affaire tenue sans personnel. Matériel sans valeur. Conclusion : affaire non vendable à liquider. »[1]
Le rapport établi par M. Obled, administrateur aryen provisoire nommé par le Commissariat général aux questions juives, daté du 20 mai 1942, indique « magasin composé d’une pièce au rez-de-chaussée avec le 1er étage à usage d’habitation, prenant accès par la boutique ». Le rapport conclu « ne représente aucune valeur commerciale au point de vue vente, à liquider »[2]
Jeanne et Elie sont arrêtés, par la police française, le 17 juillet 1942, et ensemble ils sont transférés au camp de Drancy où ils restent une semaine avant leur transfert par le même convoi. Le convoi n°10 désigné DA 901 quitte le 24 juillet à 8h55 de la gare du Bourget-Drancy, avec 1 000 Juifs à destination d’Auschwitz.
Des 1 000 du convoi n°10 (dont 81 enfants), il n’y a que 4 survivants en 1945.
[1] Dossier de spoliation AJ38/1963 n°9465.
[2] idem
Marie Jo Gladieux
Anne-Marie Winkopp