Émilienne est née le 22 mai 1907 à Quingey dans le Doubs. Elle est la fille de Charles Adrien Mange, cloutier, et de Mélanie Angèle Vayssettes.  Dans son enfance,  elle aide ses parents aux travaux de la ferme et notamment à élever leurs moutons. 

Emilienne avec ses parents

Elle se marie le 11 août 1928 à Quingey avec Henri Pergaud né le 27 février 1907 à Grandfontaine-Fournets (Doubs), pupille de la Nation, fils de Henri Lucien Pergaud instituteur, et Berthe Sancey, institutrice. Berthe ayant été nommée directrice à Quingey, Emilienne et Henri font connaissance.

Henri est employé aux chemins de fer à Paris. Après leur mariage, le couple s’installe à Noisy-le-Sec au 25 boulevard Gambetta.

photo 2023

Emilienne trouve un emploi au service publicité du magasin du Louvre.

Peut-être Emilienne a t-elle participé à l’élaboration de ce catalogue.

Portraits d’ Emilienne et d’Henri Pergaud

Anne-Marie, leur fille, nait le 26 juin 1930 à Quingey. Emilienne a voulu que son enfant naisse chez ses parents.

La vie s’écoule tranquillement à Noisy. Anne-Marie (surnommée Anny) fréquente l’école Gambetta toute proche.

1er septembre 1939,  éclate la seconde guerre mondiale. En 1940, Henri, passionné d’aviation, fait partie de l’escadrille d’observation de la 2e division légère mécanique. Il se replie au moment de la débâcle et se trouve à Limoges lorsque le maréchal Pétain demande l’armistice. Pour lui, la guerre ne peut être terminée. Il aurait entendu  l’appel du 18 juin 1940 qui le conforte dans sa volonté de poursuivre le combat.

Henri Pergaud passe quelque temps à Limoges et rentre à Paris à la mi-août 1940. Le 1er septembre de la même année, il s’engage au sein du réseau FFL « Ceux de la Libération ». Il crée un important réseau de renseignements au sein des Chemins de Fer. Il opère entre Londres et Paris. Tout naturellement, Emilienne devient un membre actif du réseau, son agent de liaison dès septembre 1941.

« Cela veut dire qu’Emilienne reçoit des messages, envoie des messages depuis son appartement de Noisy le Sec, qu’elle y cache aussi avant de les faire passer en zone libre grâce à ses contacts, des résistants, des prisonniers évadés, etc…..Elle les emmène souvent à Meaux où il y a un terrain d’aviation inconnu de l’ennemi, et les accompagne même vers l’Espagne où ils sont pris en charge par des passeurs avant la frontière.

Aider du monde à rejoindre la zone libre, elle le fait également à Quingey où elle vient voir régulièrement sa famille, grâce entre autres, à la Sœur Supérieure de l’Hospice qui faisait partie d’un réseau pour évacuer des personnes devant quitter la France »

Extrait du blog de Gaby Dalmau, une habitante de Quingey qui a recueilli les mémoires d’Anne-Marie Pergaud, fille d’Emilienne.

Septembre 1943, elle est arrêtée à son domicile du bld Gambetta en possession d’un poste émetteur (source Yvette Levy) / sur dénonciation selon Gaby Dalmau. …

A cette date, Henri est à Londres pour un stage du 16 août 1943 au 28 janvier 1944 au BCRA (Bureau Central de Renseignements et d’Action, c’est le fameux deuxième bureau créé par le Gal De Gaulle) à Londres.  Il est parachuté en France au titre de la mission Philinthe sous le pseudonyme de “Lateur Henri” au grade de capitaine, pour une nouvelle mission au sein de la délégation civile du général de Gaulle. Bien que particulièrement recherché par la Gestapo depuis le début de 1943, il ne cessera pas de s’exposer jusqu’à la Libération.

Il reprend son poste d’ingénieur à la SNCF le 1er octobre 1947 et continue d’effectuer des missions dans la réserve, jusqu’au 19 septembre 1951, date à laquelle il est victime d’un très grave accident de parachutisme lors d’une mission.

Il est officier de la Légion d’honneur, médaillé de la Résistance avec rosette, croix de guerre avec six palmes, officier de l’ordre de l’Empire britannique « OBE », et médaille vermeil de l’ordre du Mérite polonais.

Il décède en 1994, à l’âge de 87ans à Besançon dans le Doubs.

Mais revenons à Emilienne qui vient d’être arrêtée à son domicile. Elle est emmenée au siège de la Gestapo, 11 rue des Saussaies à Paris. Elle rester en détention 40 jours dont 21 jours d’interrogatoire ininterrompu. 

Elle est finalement relâchée, horriblement marquée, mutilée (organes internes), ayant pratiquement totalement perdu la raison.

« Dans ses moments de lucidité, elle a raconté à sa fille Anny, que parmi l’insupportable, il y avait le fait d’être battue, certes, mais entièrement nue, par des bourreaux bottés et en uniforme, qui avaient son âge, elle était plongée jusqu’à suffocation extrême dans une baignoire d’eau glacée, que le plus atroce avait été de voir des enfants torturés devant leurs parents pour que ceux-ci parlent. D’ailleurs, Emilienne était marquée au point qu’elle était obsédée par le fait de vouloir tuer sa fille Anny afin qu’elle ne soit pas torturée. Anny entourait son lit de chaises afin d’entendre sa mère approcher la nuit. Emilienne disait aussi que la douleur lorsqu’elle atteint son paroxysme, on finit par ne plus la sentir. » Extrait du blog de Gaby Dalmau

Une fois relâchée, elle arrive à renseigner les agents de la F.F.C sur le sens des recherches de la Gestapo. Le 10 décembre 1943, elle recevra la Croix de Guerre avec une palme et sera homologuée au grade de sous lieutenant dans l’armée des ombres.

Pendant la détention d’Emilienne, Henri, au péril de sa vie puisque sa tête est mise à prix, vient à plusieurs reprises voir sa fille Anny qui est gardée à Paris par une amie d’Emilienne.

18 avril 1944, Anny et Emilienne subissent le bombardement de la ville de Noisy le Sec. C’est le lendemain, le 19 avril 1944 qu’en déambulant dans les ruines, elles voient l’Abbé Coutteret de Lombard affecté par l’ennemi, dont il était prisonnier (au fort de Saint Denis dit fort de l’Est), au déminage des centaines de bombes qui n’avaient pas explosé. (L’Abbé Germain COUTTERET, mort en déportation en Mai 1945 au camp de Ludwigslust en Allemagne. Il était natif de Quingey).

Après avoir été relogées à Paris rue de Clichy, Emilienne et Anny reviennent à Quingey début décembre 1944.

Emilienne Pergaud, 19 août 1944

L’état de santé d’Emilienne est alarmant tant physiquement que moralement.

Le 17 décembre 1944, à 37 ans, Emilienne décide de mettre fin à ses jours. Son nom figure sur le monument aux morts de Quingey.

monument aux morts à Quingey

Emilienne et Henri Pergaud reposent, côte à côte au cimetière du haut à Quingey avec la famille Mange

En 2017, lors d’une exposition au Musée des Armées à Paris, intitulée « Guerres Secrètes », les vêtements du couple Pergaud ont été exposés. Une preuve, s’il était nécessaire, du rôle important joué par le couple dans la Résistance française.

Anne-Marie Winkopp

Sources :

Pagesperso-orange.fr/quingey-dalmau/emilienne_pergaud

Mémoires des Hommes

Mémorial Genweb

Maîtron

Lucie Haberman, arrière petite fille d’Emilienne.