Si il est des rues tracées par la volonté de l’homme comme nous l’avons vu récemment pour le boulevard Gambetta et la rue Carnot, il en va tout autrement pour la rue Henri Barbusse.
Il semble que très tôt les Noiséens aient emprunté cet itinéraire pour rallier, depuis le village de Noisy, le bourg de Merlan.
Sur une carte de 1810, elle porte le nom de « Chemin du bout d’en bas à Merlan ». et son tracé n’a guère évolué au cours des ans. A l’origine elle relie la ferme du clos, dite Clos du Châtelain, au hameau de Merlan. Cette ferme est située en limite nord du village qui compte alors 1 350 habitants. Hector Espaullard mentionne l’existence de ce clos dès 1265.
Elle prend le nom de Chemin vicinal n°5.
plaque existante à l’angle des rues H. Barbusse et P. Brossolette
La partie comprise entre les rues Saint-Denis et de la Forge (84 m environ) prit le nom de rue d’Enfer. Pourquoi ce nom ? Hector Espaullard nous explique que cette rue se trouvait dans la partie inférieure du village (on appelait aussi ce lieu le Bout d’en Bas nous sommes seulement à 52m au-dessus du niveau de la mer). En 1888, la municipalité transforma ce nom en celui de Denfert Rochereau en hommage au glorieux défenseur de Belfort pendant la guerre de 1870.
Le 2 octobre 1935, la partie de la rue Denfert Rochereau située entre la rue Saint-Denis et le boulevard Michelet prend le nom de Henri Barbusse, écrivain pacifiste, prix Goncourt pour son roman Le Feu.
Micheline Virey nous a transmis des photos très intéressantes de cette journée. Ces photos ont été prises par son père, Georges Frontigny, le jour de l’inauguration de la rue.
Le cortège quitte la mairie.
Banderole à l’angle avec le Bld Michelet, place des Petits Noyers
source Micheline Virey
Le maire à cette époque est Félix Routhier, il est communiste. Dans une lettre du 28 décembre 1935 adressée au Préfet de la Seine, il justifie ainsi ce choix :
« Il n’a pas été dans les intentions du Conseil Municipal de supprimer le nom de « Denfert Rochereau » attendu que la moitié de la rue conservera le nom du héros de la défense de Belfort en 1870. De plus, dans cette partie de voie, il existe 2, 3 gros industriels qui, consultés, n’ont présenté aucune objection à la décision prise. A vous signaler même que la Société Suburbaine de gaz et d’électricité, qui possèdent 5 immeubles importants dans cette rue, dont l »usine à gaz, a, sans qu’une plaque nouvelle ne soit posée actuellement, fait imprimer des polices d’abonnement à des en-têtes de lettres avec l’appellation nouvelle.
Ces pour ces raisons et attendu qu’une seule réclamation a été présentée, que je vous demande de vouloir bien approuver la délibération prise par le Conseil Municipal, afin que le nom de l’auteur d’ouvrages célèbres tel que « Le Feu » soit à titre d’hommage public, attribué à la partie de la rue Denfert Rochereau comprise entre les numéros 1 à 65 et 2 à 70. »
La confusion entre « Enfer » et « Denfert » est plaisante a relevé puisque la rue fut rebaptisée Henri Barbusse en hommage à l’écrivain qui composa entre autres un roman fort célèbre intitulé l’Enfer !
Il est à remarquer que l’actuelle rue Denfert Rochereau commence au numéro 75, la numérotation n’ayant pas été modifiée.
La rue Henri Barbusse fut débaptisée par la délégation spéciale pendant l’occupation (arrêté préfectoral du 26 juin 1941) et repris son nom par délibération du Conseil Municipal du 16 octobre 1944.
source Archives Municipales
Le 9 février 1945, la Délégation Spéciale présidée par Henri Quatremaire, justifie ce changement de nom de la façon suivante (extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal)
« Il ne s’agit que de reprendre la dénomination approuvée par arrêté préfectoral du 4 février 1936, annulée ultérieurement par le gouvernement de Vichy, que cette dénomination n’intéresse qu’une partie de cette voie et que le nom du glorieux défenseur de Belfort subsiste pour la partie comprise entre le boulevard Michelet et la rue de Merlan. »