Madeleine Moinet, que toute sa famille et ses amis appelleront Mado, est née, ainsi que sa sœur jumelle Paulette, le 1er mars 1917 à Noisy-le-Sec au 34 avenue Victor Hugo. Elles avaient un frère ainé Henri-Georges, dit Riri, de 10 ans leur ainé, né en 1907. Tous les trois sont les enfants d’Henri Moinet et de Marie Guéry (née en 1887), d’origine poitevine, mariés en 1907 à Ligugé dans la Vienne.

avenue Victor Hugo, vue depuis le rond point de Merlan

avenue Victor Hugo, vue depuis le rond point de Merlan

Le père d’Henri était écrivain public. Henri, employé du chemin de fer, était contrôleur dans les trains. Les hasards de sa vie professionnelle ont amené la famille rue Victor Hugo à Noisy où sont nées les jumelles. Comme leur père était très souvent absent, c’est Henri qui a élevé ses 2 sœurs avec leur mère.

1923

1923

Mado et Paulette se rendaient à pied à l’école Gambetta avec Suzanne Tacquet, qui deviendra plus tard Suzanne Pailhas (née en 1920) : la mère de Suzanne les emmenaient toutes les trois en passant par la rue Chanzy. Elles retrouvaient aussi en classe Renée Cazin, future enseignante noiséenne.

Les deux soeurs à 15 ans

Les deux soeurs à 15 ans

Plus tard, les 2 sœurs furent mises en apprentissage de couture, à 14 ans, chez Melle Rousseau rue Damas. Puis à 16 ans, elles sont employées, toujours comme couturières par Mme Frau, dont la maison se situait au marché. Elles seront par la suite couturières à domicile. Après un bref déménagement de quelques mois à Ligugé en 1934, retour à Noisy, rue des Carrouges, puis au 4O rue Dombasle. De son séjour dans le quartier de Merlan, Mado garde de nombreux souvenirs : on écoutera avec profit son intervention dans le document de la ville de Noisy : « Histoires de quartiers ». Elle situe quelques boutiques de l’époque, l’épicerie en face de chez Waldvogel, la mercerie de Mme Labarre, rue Chanzy, la boulangerie en haut de la rue de Merlan, la boucherie de Mme Mesnil… Ses presque 18 ans passés dans le quartier furent, dit-elle, les plus heureux de sa vie : tout le monde se connaissait, les gens vivaient dans les cours, se parlaient…

Mado à 23 ans

Mado à 23 ans

En 1936, c’est le drame : le grand frère ainé Henri se tue à 28 ans dans un accident de moto Porte de Pantin laissant une veuve, Geneviève Pierrard. Le souvenir de cette disparition tragique la marque à jamais. Le bombardement du 18 avril laisse, par chance, intact l’immeuble 40 rue Dombasle. Après la guerre, c’est la reconstruction, en particulier l’édification en 1947 de la cité expérimentale rue du général Leclerc. Le père de Mado, alors retraité, est employé avec quelques anciens collègues du chemin de fer comme jardinier paysagiste dans cette nouvelle cité.

Le 18 janvier 1947, sa sœur jumelle Paulette épouse à Noisy Jacques Houchard, né à Luxeuil le 25 décembre 1918. Il résidait alors rue Victor Hugo. Ils emménagèrent au 3 rue de l’Union, au 1er étage et Mado dans l’appartement du dessous, au rez-de-chaussée. Jacques fut quelque temps boulanger chez Charles Chevallier, boulevard Michelet, puis entra chez Vallourec. Les parents de Mado sont tous les deux décédés à Noisy, Henri en 1964, Marie en 1970 et sont enterrés au nouveau cimetière. Mado a eu le nouveau grand malheur de perdre sa jumelle Paulette en 1984 et son beau-frère Jacques en 1993.

Issues d’une famille de tradition catholique, Mado, Paulette et Jacques furent très impliquées dans la vie de la paroisse St Jean-Baptiste. Baptisées en mai 1917 à St Etienne, les jumelles ont fait leur Communion solennelle à St J.B. le 14 juin 1928, dans la chapelle, qui seule existait à l’époque : le curé Paul Chaumont et les vicaires Victor Mothe et Ferdinand Dehlinger officiaient alors. Leur mère Marie Guéry était présente à la pose de la 1ère pierre de l’église le 23 juin 1929 et à son inauguration le 11 janvier 1931. Mado et Paulette furent plus tard catéchistes et Jacques président local de la Conférence St Vincent de Paul, organisme catholique d’entraide aux personnes démunies, très actif dans l’immédiat après-guerre.

mariage Paulette Moinet

Mariage de Paulette Moinet et Jacques Houchart, en église St Jean-Baptiste, le 18 janvier 1947 (remarquer l’ancienne disposition des autels). Les parents Moinet sont au 1er rang derrière le prêtre, Mado derrière les deux enfants de chœur.

Mado 2

Aujourd’hui âgée de 100 ans et quelques mois, Mado est toujours d’une bonne vivacité cognitive, mais les douleurs rhumatismales la laissent parfois alitée quelques heures par jour. Ayant toujours aimé la compagnie, elle passe de longs moments devant sa fenêtre de la rue de l’Union, reconnaissant parfois les passants qui lui font signe. N’ayant plus aucune famille, elle attend maintenant, mais dans une grande sérénité, le moment de rejoindre tous ses chers disparus.

(recueilli par Jean Bergé en juillet 2017)