La célébration de la centième journée internationale des droits de la femme est une occasion singulière pour célébrer la figure historique d’Olympe De Gouges, personnalité emblématique des grandes luttes pour la défense des droits civiques. Née à Montauban en 1748, morte guillotinée à Paris le 3 novembre 1793, Marie Gouze est issue d’une famille modeste. À dix-sept ans, elle épouse Louis Aubry, officier de bouche de messire de Gourgues. Deux plus tard c’est la naissance de son fils. Après trois années de mariage, ne voulant pas tenir le rôle de bourgeoise de province, elle fuit le domicile conjugal pour aller à Paris.

Elle rêve de célébrité, elle se fabrique un nom à partir du prénom de sa mère et du patronyme « Gourgues » et devient Olympe de Gouges. Femme de lettres prolixe, elle devient la maîtresse de Sébastien Mercier. Ce n’est qu’à partir de la Révolution qu’elle va montrer à quel point elle est en avance sur son temps. Elle est en effet, avec Théroigne de Méricourt et Claire Lacombe l’une des premières féministes.

Mais c’est à partir de 1791 qu’Olympe de Gouges va montrer toute sa grandeur. L’Assemblée constituante produisant une Constitution qui exclut les femmes des droits de cité, Olympe publie un texte qui fait date dans les annales du féminisme originel et que vous pouvez lire dans son intégralité à cette adresse :

Lors du procès de Louis XVI, elle tente de défendre le roi, qu’elle ne juge pas coupable en tant qu’homme mais uniquement comme souverain. Solidaire des girondins après les journées de mai-juin 1793, elle est accusée d’être l’auteur d’une affiche girondine. Olympe de Gouges est arrêtée le 20 juillet 1793, condamnée à mort et guillotinée le 3 novembre 1793.

« Pensez à moi et souvenez-vous de l’action que j’ai menée en faveur des femmes ! Je suis certaine que nous triompherons un jour ! » Olympe de Gouges

À Noisy-le-Sec, un lycée porte son nom.

Au delà de l’héritage symbolique, le lycée affilie sa propre histoire à celle d’Olympe de Gouges, soit celle d’un lycée « implanté au milieu des vergers et proche d’un couvent dont la cloche réveillait les enfants du Londeau dès potron minet, de 1962 à 1970. » Et d’un lieu qui attendra la fin des années 80 pour être nommé  « Il faudra attendre 1988 pour qu’on songe à le baptiser décemment. » Olympe et  la persistance des signes. Aujourd’hui encore, la question du féminisme traverse la pédagogie comme le souligne l’excellent article de Catherine Nave, chercheuse et professeure agrégée de sciences économiques et sociales au lycée.

Extrait

Être féministe aujourd’hui, c’est avant tout être conscient-e que le sexisme, ordinaire ou non, n’est pas mort, bien au contraire. Je n’en rappellerai pas ici les manifestations (dans l’ordre des représentations, comme dans celui des pratiques – inégalitaires) que le-la lecteur-trice connaît, et qu’il faut parvenir à rendre visible, et l’on retrouve ici le lien avec la recherche. Mais je pense aussi au fait de rendre visible ce sexisme au quotidien que l’on devrait dénoncer comme le racisme ordinaire : dévoiler pour les rejeter les sous-entendus ou les trop bien-entendus des blagues, d’une certaine communication médiatique, des remarques anodines et pourtant lourdes de sens, résister à une socialisation qui façonne de manière sexuée nos pratiques notamment dans le domaine domestique mais aussi dans le domaine professionnel. Agir en féministe serait donc de tous les instants (autant que possible).

Dans la vie professionnelle d’une enseignante cela concerne aussi bien la relation aux élèves que celle aux autres collègues et à la hiérarchie. Vis-à-vis des collègues, c’est ne pas considérer naturel que ce soit les enseignantes qui s’occupent de certaines menues tâches d’entretien des lieux collectifs comme salle des professeurs, laboratoires de discipline. Vis-à-vis de la hiérarchie c’est ne pas laisser sans réponse les remarques visant à dire qu’une femme élevant seule ses enfants qui refuse un changement d’emploi du temps trois semaines après la rentrée le fait par convenance personnelle mais parce que faire garder des enfants n’est pas chose aisée dans une région (parisienne) où les places en crèches et les assistantes maternelles sont rares, et à terme il faudrait faire disparaître ce raisonnement.

Vis-à-vis des élèves c’est avoir la volonté de mener l’acte éducatif de manière non sexuée (ce qui n’est pas facile, de nombreux sociologues l’ont montré) : donner la parole équitablement à toutes et tous, ne pas laisser passer les remarques sexistes, cela engage la discipline dans la classe mais pas seulement. Il s’agit aussi de noter de manière égalitaire, de féminiser des contenus parfois pensés par le législateur et déclinés par les éditeurs au masculin (qui n’est même pas neutre). En sciences économiques et sociales certaines parties des programmes abordent de front la question. En seconde, dans le cadre du cours sur la famille, la socialisation sexuée et l’inégale répartition du travail domestique sont abordées tôt dans l’année, on enchaîne ensuite avec la féminisation de la population active articulée à l’émancipation des femmes. D’où plusieurs réactions en classe : « Madame, vous allez déclencher la guerre des sexes » (un garçon doublant alors que j’entame l’année sur la réussite scolaire des filles), « mais c’est dégueulasse [sic], on nous parle de démocratie et les femmes n’ont pas le droit de travailler sans l’autorisation de leur mari !! » (une fille choquée lorsqu’elle lit dans le manuel la liste des nouveaux droits octroyés aux femmes françaises au cours du XXe siècle). Il s’agit aussi de sexuer les statistiques utilisées tout au long de la scolarité (chômage, revenus, mobilité sociale, emploi dans les usines outils dans le cadre de la mondialisation…). Mais, si seules les femmes prennent en charge ce travail, elles risquent une perte de légitimité (« si on avait eu un prof homme, on y passerait moins de temps »). Et ici émerge un autre aspect de ce que suppose le féminisme aujourd’hui : l’implication des hommes. La non-mixité était sans doute une nécessité historique, et est encore parfois nécessaire. Cependant éduquer des femmes féministes sans y amener les hommes c’est laisser en l’état un mur sur lequel on se heurte régulièrement. C’est aussi ce qui nous est apparu lorsqu’il s’est agi d’accueillir l’association « Ni Putes Ni Soumises » afin de réfléchir aux relations filles/garçons dans l’établissement : il n’y avait que des collègues femmes… et certains hommes considéraient qu’il fallait parler aux filles plus qu’aux garçons.

Ainsi, il me semble qu’être féministe avec aujourd’hui c’est parvenir à faire partager cette conviction aux hommes. Il me semble aussi, double enseignement de la recherche et des problématiques rencontrées dans les établissements scolaires, nécessaire d’agir et de penser avec toutes les femmes quel que soit leur milieu social ou leur culture puisque manifestement, nous ne vivons pas les mêmes expériences sociales. Toucher toutes les femmes, et les hommes.

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