Une forte communauté de Djéolois vit à Noisy-le-Sec depuis les années 1970. Ils viennent de Mauritanie, d’une commune rurale Djéol (à l’époque ce n’était qu’un village) au bord du fleuve Sénégal. Les ressources provenaient essentiellement de l’élevage, de l’agriculture et de la pêche. Djéol est devenue commune rurale en 1990. Sa population est de 15000 habitants environ et regroupe une dizaine de villages.

carte Djéol

fleuve Sénégal

Le fleuve Sénégal

Contexte géographique et historique.

La Mauritanie d’une superficie de 2 fois la France est située en Afrique subsaharienne, bordée par l’océan Atlantique, le Maroc au nord, à l’est le Sahara algérien, au sud est le Mali et au sud le Sénégal dont le fleuve du même nom en est la frontière. Le désert occupe les 2 tiers de la superficie.

le désert

Un désert de 300 km à traverser avant d’arriver à Djéol.

La Mauritanie faisait partie de l’ AOF , colonie française depuis 1899 et devient indépendante le 28 novembre 1960.

Composition ethnique :

  • Souche maghrébine d’origine berbère et arabe, ce sont les Maures blancs. Ce   sont eux qui ont le pouvoir
  • Souche négro africaine, ce sont les Halpulaars, les Soninkés et les Wolofs. Situés le long du fleuve Sénégal
  • Et les Maures noirs, les Harratines, descendants d’esclaves asservis par les Maures blancs.

Historique de l’émigration.

Avant de venir en France certains avaient déjà quitté leur village pour des emplois à l’intérieur de la Mauritanie, Nouhadibou, port minéralier ( Nouhadibou est situé en face du banc d’Arguin où s’est échouée la Méduse célèbre dans le tableau de Delacroix) certains ont travaillé à la compagnie aérienne UTA. Zouérate dans les mines de fer, ou dans le bâtiment, d’autres sont allés faire un peu de commerce au Sénégal.

Ce sont des raisons économiques qui ont motivé cette venue en France.

Mais pourquoi ce choix de venir en France : leurs grands-pères et pères avaient combattu comme tirailleurs sénégalais lors des 2 guerres mondiales, dont une quarantaine de Djéolois durant la 2èmè guerre mondiale, puis lors de la guerre d’Indochine et celle d’Algérie et sont ainsi restaient attachés à la France.

1917, tirailleurs Sénégalais dans une tranchée.

1917, tirailleurs Sénégalais dans une tranchée.

Lors de leur arrivée en France, dans les années 1970, ils ont d’abord rejoint des compatriotes à Paris, dans un petit hôtel, rue de la mare dans le 20 ème. Ils ont trouvé des emplois dans la métallurgie, le secteur automobile, Simca, Chrysler, Renault, Peugeot. En région parisienne, Courbevoie, Poissy, Bagnolet, Pantin, Ivry mais aussi Montargis, Étampes, Beauvais.

1982 chez Peugeot

1982 chez Peugeot

Puis des emplois se sont crées dans l’entreprise Vallourec/Valexy, ici à Noisy rue de Bobigny en 1972 ainsi qu’aux Comptoirs Lyon-Alemand , rue de Paris ; ce qui motivent leur installation à Noisy.

Usine Vallourec, vue aérienne

Usine Vallourec/Valexy, vue aérienne

certificat travail

Comptoir Lyon Alemand, sortie de l'usine

Comptoir Lyon Alemand, sortie de l’usine

Médaille du travail

Médaille d’honneur du travail

A leur arrivée en France Ils étaient tous célibataires, à l’exception d’un seul. Puis ils se sont mariés, les épouses sont restées à Djéol en attendant de venir en France.

Regroupement familial.

Le regroupement familial a lieu en 1979, 1981, et 1983. Pour cela il fallait justifier d’un logement pouvant accueillir la famille, d’un salaire, de certificats médicaux de l’épouse et des enfants. La demande se faisait auprès du service de l’immigration et était instruite entre 6 à 12 mois.

La famille Amadou arrivée en 1983.

La famille Guisset arrivée en 1983. Aïssata et sa petite fille Fatimata.

Les enfants nés à Djéol sont arrivés plus tard, certains avaient déjà 3, 4 et même 6 ans. Une jeune femme arrivée à l’âge de 6 ans raconte qu’avant de partir on lui avait dit qu’en France on vivait dans des ‘cages à lapins’ les unes au dessus des autres. Le premier souvenir qu’elle garde à son arrivée en France, ce n’est pas sa rentrée scolaire mais les grandes surfaces où « on se promenait avec un chariot qu’on pouvait remplir de plein de choses ».

Actuellement il y a environ 50 Djéolois sur Noisy-le-Sec et ses environs, ils sont nombreux en Ile de France et à Angers. Certains ont pris la nationalité française.

nationalité française

 Alphabétisation

Les hommes à leur arrivée en France se sont inscrits à des cours du soir d’alphabétisation, Vallourec dispensait également des cours à l’intérieur de l’entreprise.

Les femmes elles aussi, en s’inscrivant à l’ANPE à Montreuil ont bénéficié de cours d’alphabétisation, mais aussi de cours de couture, de secourisme, et dans le cadre de l’insertion ont pu faire des stages dans les écoles, en maison de retraite et même l’une d’entre a travaillé pendant un an à l’hôpital Ville Evrard à Neuilly sur Marne (contrats de 3 mois renouvelés)

Plus tard quand les enfants ont été scolarisés, elles ont été recrutées par une société de services pour faire le ménage dans les bureaux, les résidences (dans les années 90).

Il y eut ensuite deux vagues d’arrivée

Au début des années 1980, des étudiants viennent en France, envoyés par la Mauritanie pour poursuivre des études supérieures de 3ème cycle. La plupart sont restés en France en raison de la répression intellectuelle qui frappe les cadres noirs suite à la publication du « manifeste négro-mauritanien opprimé » en 1986. Ce manifeste se présente sous forme d’un document démontrant la détérioration du statut des Négro africains voire leur relégation au second rang.

En 1990, la situation de la Mauritanie a empiré sur le plan politique. La répression contre les noirs civils et militaires depuis les arrestations de 1986, 1987, 1989 et 1990 a atteint son paroxysme avec l’assassinat de plusieurs centaines militaires et civils et l’expulsion vers le Sénégal et le Mali de plusieurs milliers de noirs. Au cours de cette vague plusieurs cadres, enseignants, militaires et étudiants ont quitté la Mauritanie et se sont installés en France. Naturellement, il a été plus facile pour certains de venir en France en raison d’attaches familiales.

ARDF, association des ressortissants djéolois en France.

Ils manifestent entre eux une solidarité très forte et dès les années 70 ils se regroupent en association, officialisée en 1986 sous le nom de l’ARDF. Tout d’abord le but est de s’entraider. Puis les objectifs s’élargissent, améliorer le quotidien des djéolois restés au village par la réalisation de projets orientés sur les infrastructures : la santé, l’éducation, la promotion des savoirs faire locaux : agriculture, élevage, pêche, artisanat.

Les jeunes, qu’ils soient nés en Mauritanie, ou en France manifestent leur attachement au village de leurs parents et gardent des liens avec les jeunes à Djéol. Ils se sont également crées en association, Erango Debbo (l’appel de la femme) association des femmes en France milite pour la promotion des femmes à Djéol, mais aussi pour l’accueil des jeunes enfants en participant activement aux brocantes organisées par le comité de jumelage pour la construction d’un jardin d’enfants à Djéol.

Des lycéennes à Noisy ont participé à la réalisation de 2 films, en lien avec l’Ile de France et la maison des cinéastes à Nouakchott, ces 2 films frontières 1 et 2, frontières entre les jeunes ici et ceux là bas, frontières entres les générations, frontières entre les ethnies. Elles sont en lien avec de jeunes étudiants à Djéol, les soutiennent dans leurs études et dans leur bénévolat auprès d’élèves du primaire pour leur apporter un soutien scolaire.

Les jeunes hommes ont créé l’association « Lawol Jaam » Bonne route ou bon voyage, ils sont très actifs dans la transmission de leur culture alors qu’ils sont nés en France.

Origines de notre rencontre avec les Djéolois.

Le comité de jumelage avait déjà 2 villes jumelles : South tyne side au nord de l’Angleterre et Arganda Del Rey dans la région de Madrid et souhaitait un jumelage coopération. C’est alors que nous avons appris qu’il existait une communauté de djéolois vivant à Noisy et c’est ainsi que la rencontre s’est faite et le jumelage coopération créé.

vues de Djéol 1

Claude Chedal.

 

vues de Djéol 2