De la Bavière à Noisy-le-Sec :

Au XVIIIème siècle à Stein, petit village de Bavière, un menuisier dénommé Kaspar Faber décide de se lancer dans la fabrication de crayons graphite. Il commence par travailler pour des fabricants locaux tout en réalisant ses propres crayons à ses heures libres. Il connaît un tel succès qu’il peut rapidement s’établir à son compte. Ces modestes débuts marquent la naissance d’une entreprise qui sera bientôt connue dans le monde entier.

Kaspar Faber (1730 - 1784)

Kaspar Faber (1730 – 1784)

Un siècle plus tard, son petit-fils Georg Leonard Faber ne peut empêcher le déclin des affaires. Ses crayons sont toujours produits selon des méthodes traditionnelles alors que la France a déjà mis au point un nouveau procédé de fabrication des mines. Georg Leonhard comprend alors que les progrès réalisés au-delà des frontières sont d’une importance capitale pour l’avenir de son entreprise et envoie ses fils Lothar et Johann à l’étranger. L’aîné ramène de Paris et Londres des idées qui vont, en quelques années, faire de la petite fabrique de Stein une entreprise internationale.

A la mort de son père, de retour dans la fabrique familiale, Lothar Faber, alors âgé de 22 ans, s’attaque immédiatement à la modernisation des installations de production. La répartition des tâches y est très stricte : les travaux éprouvants pour le corps, comme le traitement du graphite, de l’argile et du bois, sont assurés par les hommes, tandis que les femmes se chargent de polir, graver, assembler et emballer les crayons. Il porte une attention toute particulière à la qualité et la présentation de ses produits, qu’il marque de l’inscription « A. W. Faber » – le premier crayon de marque est né.

Lothar von Faber (1817-1896)

Lothar von Faber (1817-1896)

Lothar fonde sa première société de distribution à New York en 1849. Il crée des filiales à Londres et à Paris.En ce qui concerne Paris, l’implantation se fait en plusieurs étapes.

  • 1837 fondation d’un dépôt et d’une agence à Paris qui est alors le centre du commerce international
  • 1855 exposition universelle à Paris. A cette occasion une agence est créée 12 bld de Strasbourg
  • 12 bld de Strasbourg1873, ouverture d’un magasin, 4 place de l’Opéra
  • 4 place de l'opera1880, à cause de l’extension de la Gare de l’Est, le laboratoire chimique A.W. Faber doit quitter la rue du Faubourg Saint Martin et déménager à Noisy le Sec où seront rassemblés le laboratoire de recherche et le nouvel atelier de fabrication. Le lieu est bien placé au niveau des transports. Dans un relevé de fin de mois de .W Faber à Stein, nous pouvons lire à propos de l’usine de Noisy : « Je tiens toujours Noisy pour l’endroit le plus avantageux que ce soit pour le transport des marchandises ou des personnes, de leur résidence à l’usine. En effet, en une journée il y a la possibilité de faire 24 aller-retours pour un temps de trajet de 20 minutes. » (relevé de fin de mois A.W. Faber à Stein, octobre 1880, DF du 05 au 0084)

L’usine de Noisy-le-Sec ouvre en 1881, dirigée par trois jeunes hommes polytechniciens sortis de l’ Ecole Centrale, Messieurs Collenge, Farque et Machy. Au début on produit  des encres, colles liquides, des couleurs pour l’aquarelle, pastels, etc. L’ensemble des bâtiments occupe un terrain de 5 489 m2.

Après Stein et Geroldsgrün en Allemagne, Noisy-le-Sec est le troisième atelier de fabrication de A.W. Faber où sont développées et produites de nouvelles encres et couleurs.

Etiquette d'encre, catalogue A.W. Faber, 1882

Etiquette d’encre, catalogue A.W. Faber, 1882

On ajoute à cette usine des ateliers pour la fabrication d’articles de bureaux, de dessin et de peinture, tels que classeurs, boites de couleurs de toutes formes. Nous avons là un ensemble industriel important dont nous pouvons avoir une idée grâce à la gravure publicitaire ci-après qui est parvenue jusqu’à nous.

AW Faber

L’usine de Noisy-le-Sec :

Le Bottin de 1912, nous donne l’adresse exacte de cet ensemble industriel : 53 avenue de Bondy (avenue Galliéni aujourd’hui). Les reproductions de l’usine nous présentent des bâtiments situés entre le canal de l’Ourcq et la route de Meaux (RN 3), ce qui est trompeur.

1889 Faber situation

1912 annuaire

L’entreprise A.W. Faber est présente à l’exposition internationale universelle de 1900 à Paris. Dans le catalogue de présentation des entreprises nous pouvons lire à propos de l’usine de Noisy-le-Sec :

« La direction en a été confiée à M. René Machy, ingénieur civil, élève de l’école Centrale des Arts et Manufactures à Paris. Cet établissement, avantageusement situé sur la ligne de l’Est, à quelques kilomètres de Paris, est le digne complément des puissantes usines de Stein et de Geroldsgrün dont il a été parlé d’autre part. Ses ateliers , étant donné leur organisation relativement récente, ont été dotés de tous les perfectionnements réalisés en mécanique, et la chimie, qui tient une si large place dans la fabrication des encres et des couleurs, y est représentée par des laboratoires supérieurement organisés. Il faut encore citer les ateliers d’ébénisterie d’où sortent chaque jour des quantités d’objets élégants et pratiques. En un mot, la branche française de la puissante industrie créée par la Maison A.W. Faber est en tous points digne de ses origines et les productions de tous genres qu’elle répand dans notre pays ne seront pas sans ajouter beaucoup de légitime réputation qui s’attache au grand nom qu’elle porte. »

catalogue officielA.W Faber

1881 usine NLS

 

« La direction en a été confiée à M. René Machy, ingénieur civil, élève de l’école Centrale des Arts et Manufactures à Paris. Cet établissement, avantageusement situé sur la ligne de l’Est, à quelques kilomètres de Paris, est le digne complément des puissantes usines de Stein et de Geroldsgrün dont il a été parlé d’autre part. Ses ateliers , étant donné leur organisation relativement récente, ont été dotés de tous les perfectionnements réalisés en mécanique, et la chimie, qui tient une si large place dans la fabrication des encres et des couleurs, y est représentée par des laboratoires supérieurement organisés. Il faut encore citer les ateliers d’ébénisterie d’où sortent chaque jour des quantités d’objets élégants et pratiques. En un mot, la branche française de la puissante industrie créée par la Maison A.W. Faber est en tous points digne de ses origines et les productions de tous genres qu’elle répand dans notre pays ne seront pas sans ajouter beaucoup de légitime réputation qui s’attache au grand nom qu’elle porte. »

L'usine en 1895

L’usine en 1895

 

1914-1918

Le décret du 27 septembre 1914, interdit tout commerce avec l’ennemi. A ce titre, tous les biens, immeubles, établissements industriels, maisons de commerce, matériel et marchandises, titres et valeurs mobilières, possédés par A.W. Faber sont confisqués. M. J. Pélegrin, administrateur judiciaire au Tribunal civil de la Seine est nommé séquestre. Il essaie de sauvegarder dans la mesure du possible les intérêts des personnels français, non mobilisés et présents pour certains sur le site depuis plus de 30 ans. Il décide la vente des stocks avec l’aide de ce personnel. C’est ainsi que M. Merlin, caissier, adresse une lettre à tous les papetiers de Paris leur précisant que les fonds provenant de cette liquidation resteront entre les mains du séquestre ou seront versés par lui à la Caisse des Dépôts et Consignations.

article

1916, les bâtiments existent toujours. Nous le savons grâce au carnet de route d’un poilu, Théode Bonvallet (né le 21/11/1886, mort le 21/09/1918 à Doiran –Macédoine-). Il écrit à la date du 31 janvier :

« Du Bourget où je ne restais que dix minutes on nous dirigea vers Noisy-le-Sec où nous arrivâmes vers deux heures du matin après un tas de marches avant et de marches arrière. Je restais une demi-heure dans la gare et ensuite on nous dirigea dans une usine – ancienne fabrique de crayons A.W. Faber – je m’allongeais dans la paille et dormais un bon somme. ».

Le lendemain, 1er février 1916, il apporte les précisions suivantes :

« Je me promenais dans l’établissement toute la matinée avec un ami de Montiers. Mauvaise installation. Tout est sale et mal entretenu. ».

14-18, militaires remontant l'avenue de Bondy en direction de la gare

14-18, militaires remontant l’avenue de Bondy en direction de la gare

1922, une fabrique de produits pharmaceutiques lui est substituée (source H. Espaullard, Noisy-le-Sec, village heureux, ville martyre).

1935, nous trouvons trace, sur un plan, de l’existence de l’usine.

1935

1935

Quand et comment, des bâtiments de cette importance ont-ils disparus du paysage noiséen ? Nous n’avons pas de réponse à ce jour.

source : www.faber-castell.fr/entreprise/histoire