Je vais vous parler de ND de la Bonne Voie, élevée à l’angle des rues du Parc et Anatole France ainsi que du contexte historique et religieux auquel elle se rattache.

J’espère que vous la connaissez tous, car, si ce n’est pas le cas, vous devrez attendre plusieurs années avant de pouvoir la contempler à nouveau. En effet, à cause des travaux pour l’extension du tramway jusqu’à la place Carnot, elle vient d’être enlevée pour restauration en attendant d’être remise en place à un endroit légèrement différent. Je vous en reparlerai tout à l’heure.

Quelle est l’origine de cette statue qui représente la Vierge et l’enfant Jésus ? Dans son histoire de oisy-le-Sec, Hector Espaullard l’évoque : il nous parle de la commémoration d’une fondation pieuse faite en 1850 par la famille Paul Blancheteau. Le monument est béni le 28 juin 1857 par le cardinal Morlot.

Qui était Paul Blancheteau ? Paul Etienne Blancheteau est né le 1e jour complémentaire de l’an 5, soit le 17 septembre 1797. C’est le fils d’Etienne Denis Blancheteau, un cultivateur qui décèdera le 4 juin 1841 et de Marie Antoinette Carlu, morte le 23 février 1844. Paul Etienne est marié en 1ère noce à Marie Geneviève Blancheteau, née le 25 février 1808 qui va décéder le 11 février 1858 à 50 ans. Un an après, Paul Etienne, toujours cité comme cultivateur, se remarie avec Françoise Elizabeth Maheut. Nous sommes à ce moment à peu près dans les dates du « vœu pieux ». Habitant 12 rue du Goulet, il va y mourir le 27 décembre 1863 à l’âge de 66 ans, soit 6 ans après l’inauguration de la statue.

Je veux parler un peu de l’histoire de la famille Blancheteau qui est l’une des plus anciennes de Noisy puisqu’on en trouve trace, toujours grâce à H. Espaullard, dès le début du 15ème siècle (1408 pour être précis) et il s’agit alors d’un laboureur. On retrouve régulièrement le nom de Blancheteau au cours des siècles, dont plusieurs fois grâce à des dons faits à l’église.

Nous en avons encore la trace dans l’église St Etienne grâce à une plaque de marbre de 65 cm de hauteur, fixée sur le mur au fond de l’église. Cette dalle porte la date du 9 mai 1663 et sert de conclusion à un long testament par lequel Antoine Blancheteau, fils d’Antoine, lègue, entre autre, 11 livres, 12 sols et 6 deniers de rente à la paroisse. En échange, il demande de faire célébrer à perpétuité une messe des défunts tous les vendredis pour le repos de son âme et celle de Françoise Gouillard, sa femme « quand il plaira à Dieu de les appeler de ce monde ».

Dans ce testament, Antoine Blancheteau dit avoir l’honneur pendant sa vie d’être enrôlé comme membre de la confrérie du « très auguste et très honorable Saint Sacrement », fondée en la dite église et à laquelle il lègue la somme de 3 livres tournois.

Une autre plaque dans l’église signale également le don d’une Dame Blancheteau en 1904.


Si j’insiste sur cette confrérie, c’est qu’elle est liée à l’histoire de la famille Blancheteau mais aussi à toute l’histoire de la paroisse Saint Etienne et par extension à la statue ND de la Bonne Voie.
Je fais une petite digression pour dire ce qu’est une confrérie. C’était à l’origine un groupement de laïcs chrétiens fondé en vue de favoriser une entraide fraternelle ou pour animer une tradition religieuse spécifique.

C’est ainsi que l’on trouve à Noisy, sous l’ancien régime, deux confréries distincts : la confrérie de la Charité qui s’assimile plus à un bureau de bienfaisance et la confrérie du Saint Sacrement qui organise le culte de cette fête et les processions qui en découlent.

médaille de la confrérie du Saint Sacrement

Les confréries étaient très associées à la vie de la paroisse et dépendaient du clergé. Elles avaient interdiction de faire du commerce et leurs ressources provenaient exclusivement de dons volontaires, de legs et de quêtes. Elles étaient ouvertes à tous les fidèles sans distinction, aux hommes et aux femmes et se réunissaient à des jours convenus pour prier en commun et accomplir des exercices qui leur valaient des indulgences spéciales. Elles célébraient leur fête patronale avec une solennité particulière. Pour la confrérie du Saint Sacrement c’était la Fête Dieu, célébrée le jeudi qui suivait le dimanche de la Trinité.

Très nombreuses et très actives sous l’ancien régime, ces confréries ont été réorganisées plusieurs fois par les rois, en particulier Louis XIV et abolies sous la Révolution Française par un décret du 18 août 1792. Elles seront rétablies au 19ème siècle et la confrérie du St Sacrement de St Etienne est approuvée en 1819 par le Cardinal Mauray. Elle sera finalement dissoute par le curé Fernique, dont nous avons déjà longuement parlé, en particulier pour l’épisode des croix brisées en 1896. A ce moment, la confrérie du St Sacrement comptait encore plus de 300 membres (elle en avait compté 855 en 1870, tant hommes que femmes).

Si j’ai insisté sur l’histoire de cette confrérie, c’est qu’elle a eu manifestement beaucoup d’importance pour les chrétiens de Noisy et qu’elle apparait régulièrement dans l’histoire de la famille Blancheteau même s’il n’est pas possible, faute de documents précis, de faire un lien direct avec le don de la statue de Notre Dame de la Bonne Voie. Je dois quand même ajouter, qu’outre cette statue, en 1855, Paul Blancheteau va offrir à l’église un terrain pour construire une deuxième sacristie ainsi que plusieurs vitraux.
Mais revenons à Notre Dame D de la Bonne Voie. Elle est donc élevée à l’angle de la rue du Parc cet de la rue Anatole France départementale 117, alors dénommée rue de Goulet (rappelons nous que Paul Blancheteau y habitait). C’est à cette époque l’entrée de Noisy quant on vient de Romainville . La statue est à l’origine dressée sur une petite parcelle (n°137 du cadastre acquise par la paroisse St Etienne vers 1850. Il s’agit d’une statue en terre cuite, creuse, haute de 1,30m, placée au centre d’un petit monument, surmonté d’une croix. On trouve sa description dans l’article paru dans « La semaine religieuse », qui rendait compte de sa bénédiction le 28 juin 1857.

 

Par la suite, la statue va être déplacée de quelques mètres au gré des travaux de voirie et d’élargissement des routes. Petit à petit son état se détériore et le monument qu’il l’entourait disparaît en partie mais elle reste très aimée d’un bon nombre de paroissiens et toujours fleurie.

Et voilà que récemment, le prolongement du tramway T1 va la remettre au coeur de l’actualité et de négociations. En effet, le bâtiment contre lequel elle s ‘appuie va être démoli et le carrefour agrandi, ce qui va une nouvelle fois nécessiter son déplacement. Il y a donc une mobilisation de la paroisse, du diocèse, de l’équipe culturelle de la municipalité pour que la statue soit sauvegardée et puisse retrouver à la fin des travaux une place proche de la précédente profitant de cette occasion pour sa restauration. Elle est en effet devenue extrêmement fragile car très mal protégée et l’enfant Jésus a déjà perdu une jambe.

Il faut noter qu’elle est inscrite à l’inventaire supplémentaire des objets mobiliers classés par arrêté préfectoral du 18 décembre 1982, ce qui lui donne une existence reconnue.

Ce qui est compliqué, c’est que cela concerne un certain nombre d’intervenants sachant que la statue appartient à la paroisse St Etienne et que l’emplacement est communal. Sot donc concernés le clergé de St Etienne, la commission diocésaine d’art sacré , l’économe diocésain, la ville de Noisy-le-Sec, la conservatrice en chef des monuments historiques, le département, la RATP, les responsables des travaux et j’en oublie peut-être. Ajoutons que Noisy Histoire(s)suit de très près les avancées du projet et en est régulièrement informée. C’est ainsi que le 14 octobre 2021, nous avons pu participer à la réunion d’information qui se tenait sur les lieux même de la statue avec les différents intervenants.

A ce jour, il apparaît que la restauration de la statue est prise en charge par le diocèse, son déplacement par la Régie des Transports, l’aménagement du nouveau square qui l’accueillera par la ville de Noisy-le-Sec. Reste encore à préciser qui prend en charge le nouveau monument qui devra prévoir un meilleur abri (sous quelle forme ?) et prévoir également la restauration/remplacement à l’identique de la plaque.

Comme je vous le disais dès le début, la statue a désormais quitté Noisy et a été déplacée le 22 octobre pour être conservée à la maison diocésaine de Bondy où elle a été mise à l’abri dans un lieu sécurisé et non chauffé, laissant passer l’air de l’extérieur car elle doit être préservée dans les mêmes conditions qu’en plein air. C’est là que la restauratrice du patrimoine Sarah Benkhalia et son assistant pourront rendre leur diagnostic avant d’entreprendre la restauration.

Voici quelques vues du déplacement, descellement de la statue, pose de poutres et de treuils pour la descendre, mise sous film plastique ; elle est placée dans une caisse à claire-voie et calée solidement avant son transport en camionnette vers la maison diocésaine.

Il nous reste à attendre 2025, pour retrouver ND de la Bonne Voie dans l’éclat de sa beauté et bien installée en un lieu que l’on espère définitif !

Pour terminer, un petit mot sur une autre statue de la Vierge, elle toujours visible, qui s’élève à l’angle du bld Michelet et du bld de la République. Celle-là est beaucoup plus récente puisqu’elle a été érigée en 1956 par Mme Sommet, en action de grâce pour avoir été épargnée lors du bombardement du 18 avril 1944. Elle ne sera bénie qu’en 1968, le 11 février, fête de ND de Lourdes. Le journal paroissial de l’époque parle de la statue érigée en action de grâce en 1956 par Mme Sommet et donc bénie le 11 février 1968, « en présence de la famille de Mme Sommet, décédée ». A noter que Mme Sommet a été pharmacienne place Jeanne d’Arc.

Paule Bergé