Françoise Marcelin-Gascoin, nous livre le récit de cette nuit tel qu’il lui a été transmis par ses parents Marie-Thérèse et Lucien. La famille habitait un pavillon au 19 avenue de Strasbourg.

Les photos avant la nuit du 18 avril 1944

26 mai 1943, Anne-Marie, 1 mois, dans les bras de sa maman Marie-Thérèse Marcelin née Simoutre, devant le pavillon en pierres meulières.

2 avril 1944, à l’arrière plan, les voies ferrées. Anne-Marie dans les bras de ses parents Marie-Thérèse et Lucien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le récit de Françoise

Depuis plusieurs jours et nuits, les sirènes se succèdent. Maman et Papa prennent ma soeur Annie, 1 an, dans leurs bras, et un minimum d’affaires, courent jusqu’à la cave de l’immeuble voisin, abri en cas de bombardement (au n°15).

Papa ne voulait même plus y aller puisque ces alertes restaient sans suite.

Le 18 avril au soir, ils s’y précipitent. Quelques bougies éclairent une huitaine de personnes. Soudain le propriétaire de l’immeuble (Henri Brussat), remonte pour couper l’arrivée du gaz. Il ne reviendra pas. L’immeuble s’écroule.

Cécile et Henri Brussat tous deux décédés lors du bombardement.

avenue de Strasbourg

Les pilotes des forces alliées, de 6000 mètres, visaient les convois ferroviaires d’armements allemands. Ce sont les habitations de l’avenue de Strasbourg qui furent détruites. 

19 bld de Strasbourg

Une énorme pyramide conique de gravats recouvre l’abri où l’on ne trouve qu’une barre à mine que les plus jeunes manieront à tour de rôle. L’oxygène se raréfie, les bougies ne peuvent plus brûler. Le 3ème jour, les secouristes entendent les percussions de la barre enfouie. Ils s’activent et l’on entend un grand sifflement : c’est l’air qui entre enfin dans la cave.

Du petit pavillon de nos parents, il ne reste que l’escalier intérieur. Papa y trouvera les seuls rescapés, une bouteille d’eau de vie, faite par grand-père, datée du mariage de maman et papa… et un pot de confiture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Maman écrit à sa soeur « Plus rien mais vivants. A bientôt. Baisers« .

Papa, instructeur à l’apprentissage SNCF est réquisitionné. Il ne reste rien des locaux ni du dépôt de locomotives. Il doit partir pour Varennes Jaulgonne, préparé l’arrivée des jeunes dans un bâtiment libre.

Plus aucun train ne circule. Maman couche Annie dans la poussette qui n’a plus que 3 roues vers la Lorraine de son papa. Un camion l’invitera à faire le voyage.

S’en suivent 11 ans avant la reconstruction d’une maison plus petite. Famille séparée car la crise du logement à Paris est énorme. Famille réunie dans un minuscule appartement sans soleil ni aucune commodité. Nos frère et soeur jumeaux y naisent (Georges et Catherine le 16 décembre 1952). Annie part chez la soeur de maman. Je pars chez mes grands parents.

On ne peut que penser aux bombardements actuels. Quel courage il faut pour réparer toutes ces maisons, toutes ces histoires douloureuses !

Françoise Marcelin-Gascoin, Georges et Catherine Marcelin

Remerciements à Dorothée pour la mise en contact.