En guise d’intro…

Au début de la seconde guerre mondiale, Noisy-le-Sec compte un peu plus de 22 000 habitants. En 1935, un communiste M. Routhier devient maire. En 1939, le conseil municipal est dissous et M. Durup est nommé président de la Délégation spéciale. Rappelons que le gouvernement Daladier en 1939 a promulgué un décret interdisant les organisations communistes.  Ce décret suspend les conseils municipaux à majorité communiste élus dans 27 communes de la Seine (dont Noisy-le-Sec) et dans 34 en Seine-et-Oise « jusqu’à la fin des hostilités » et les remplace par des « délégations spéciales ». Il s’agit d’une conséquence directe de la signature du pacte germano-soviétique.

Raymond Langlois est né le 30 juin 1922 à Noisy-le-Sec au domicile de ses parents, 73 rue de Merlan.

Il est le fils de Véronique Campana, ménagère, et de César Langlois, magasinier. César Langlois est  communiste. «Il entra au conseil municipal le 12 mai 1935, sur une liste conduite par Félix Routhier. Il fut déchu de son mandat en février 1940 par le conseil de préfecture pour appartenance au Parti communiste» (cf. le Maitron dictionnaire biographique du mouvement ouvrier). Raymond a une sœur ainée, Marthe, née en 1917. Enfant, Raymond appartient à la chorale de l’Etoile Rouge, affiliée à la Fédération du théâtre ouvrier de France.

étoile rouge

Lorsque la guerre éclate, Raymond Langlois habite avec sa famille au 73 rue de Merlan. Il est célibataire. Il est membre des Jeunesses communistes, ami avec Rolland Delesque, avec lequel il fait des ballades à vélo, qui est également membre des jeunesses communistes et dont le père siège lui aussi au conseil municipal de Noisy.  «Les deux  familles habitaient sur les 2 trottoirs face à face de la même rue». Au début de l’occupation, il est actif dans la clandestinité, toujours avec son ami Rolland.

Il est arrêté le 16 octobre 1940 sur dénonciation d’un voisin épicier à la police de Vichy. il a 18 ans. Son ami Rolland sera arrêté à son tour 10 jours après.

Il est interné à la centrale de Poissy (il est sans doute condamné à 6 ou 8 mois de prison cellulaire). À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 8 juin 1941, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif.

Faute de place au centre de séjour surveillé d’Aincourt, alors saturé, Raymond Langlois est maintenu en détention à Poissy. Le camp d’Aincourt (Val d’Oise) a été créé en 1940 pour accueillir des internés politiques , résistants, syndicalistes, souvent communistes et juifs dans les bâtiments de l’ancien sanatorium).

Le 28 novembre 1941, il fait partie du groupe des neuf derniers internés de Poissy transférés en train via Paris-Austerlitz au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers.

Rouillé

Au début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste d’internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne en vue de leur déportation comme otages. Le nom de Raymond Langlois y figure. C’est donc avec un groupe de 160 internés que Raymond Langlois arrive à Compiègne le 22 mai 1942.

Compiègne

Entre fin avril et fin juin 1942, Raymond Langlois est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. On a appelé le convoi du 6 juillet 1942 celui des «45000».

Le voyage dure 2 jours et demi N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raymond Langlois est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45725 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée). Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.

camp

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le 9 juillet, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, témoignage de Pierre Monjault qui faisait partie du même convoi.: «Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi». Raymond Langlois est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Le 12 novembre 1942, il est admis au Block n° 20 de l’hôpital.

En janvier 1943, il se trouve encore à l’hôpital avec un compagnon Marcel Cimier. Sortis en même temps, ils décident de se soutenir mutuellement. Assignés au Block 9, ils sont affectés à un mauvais Kommando de déchargement des wagons. Alors qu’ils se présentent pour la visite de consultation au Block 28, ils “passent au travers” une sélection “surprise” pour le Block 7 de Birkenau, mouroir conduisant à la chambre à gaz. Une autre fois, alors qu’ils sont pris dans un groupe de détenus devant passer à la sélection, ils parviennent à s’enfuir et à se cacher.

Ensuite, ils sont pris dans un Kommando où les coups sont rares mais où le travail lui-même est épuisant : il s’agit de creuser des tranchées dans un sol durcit par le gel pour y poser des canalisations. En avril, sachant que de nombreux détenus polonais ont été déportés vers le Reich, ils se présentent spontanément au kapo des cuisines et parviennent à s’y faire embaucher.

Mais, au début du mois de mai, Raymond Langlois, atteint de tuberculose, est épuisé et admis à l’hôpital, au Block 20, où André Montagne, de Caen, est aide-infirmier depuis le début mars 1943.

Sur les radiographies successives de ses poumons, Raymond Langlois peut constater la progression inéluctable de la maladie qui le tue.

Il meurt au Block 20 ; le 11 novembre 1943 selon le témoignage de Georges Brumm. Il a 21 ans.

Le nom de Raymond Langlois est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés sur le Monument aux morts de Noisy-le-Sec, situé dans l’ancien cimetière, et sur la stèle 1939-1945, place du maréchal-Foch. Une plaque est également apposée sur sa maison natale rue de Merlan.

plaque maison

 

Sur le convoi des 45000, 119 reverront la France en 1945.

Sources

http://politique-auschwitz.blogspot.fr

http://www.memoirevive.org/1940-1942-un-chemin-de-resistance/

– Résistantes et résistants en Seine Saint Denis, un nom, une rue, une histoire, Monique Houssin

– La résistance en Seine Saint Denis, 1940-1944, Joêl Clesse, Sylvie Bourderon