Il s’agit d’un mouchoir militaire d’instruction. Après la défaite de 1870, la Loi sur le recrutement de 1872 introduit la conscription générale en France. L’école vient d’être rendue gratuite et l’instruction obligatoire, cette génération de soldats n’en n’est pas moins majoritairement analphabète. La question de la formation militaire se pose alors. Il faut revoir les méthodes d’enseignements afin que les hommes soient prêts, au plus vite, à la revanche.

Le commandant Perrinon, de la garnison de Rouen,  dépose un brevet en 1875. Il choisit le tissu comme support pédagogique, parce qu’il est résistant et léger (le paquetage du fantassin pèse une trentaine de kilos). Le mouchoir d’instruction est né. Perrinon écrit les sujets, l’atelier rouennais de gravure d’Alfred Buquet les compose, les établissements Ernest Renault à Darnétal les impriment. D’où le nom de mouchoir rouennais.

Ce mouchoir avait plusieurs fonctions : il pouvait servir de mouchoir, il était aussi mémento technique, foulard de cou ou, plié en triangle, attelle de membre blessé.

Une circulaire du 29 novembre 1880 du ministre de la Guerre officialise ce carré de coton de 70 cm de côté.

13 modèles d’instructions sont validés :

1. n°1 : Démontage remontage du fusil Chassepot modèle 1866

2. n°1bis : Démontage remonbtage du revolver 1873.

3. n°2 : Démontage remontage du fusil 1874 (Gras)

4. n°3 : Cavalerie instruction sur le  cheval.

5. n°4 : Démontage remontage de la carabine de Cavalerie 1890.

6. n°4bis : Instruction pour le paquetage.

7. n°5 : Artillerie de Campagne (c’est le modèle du Grand-Père présenté dans cet article)

8. n°6 : Aide-mémoire du réserviste.

9. n°7 : Secours aux blessés, hygiène.

10. n°8 : Placement des effets.

11. n°9 : Fusil 1886 (Lebel).

12. n°9bis : Fusil 1886 modifié 1893 (Lebel).

13. n°10 : Ponts militaires – Passage des rivières.

Ces mouchoirs ont une devise commune : « Fais ce que dois, advienne que pourra et tu seras pour tous un bon citoyen, bon soldat et honnête homme ». Ils étaient imprimés d’une encre très résistante puisqu’il sont encore parfaitement lisibles.

2 mars 1909 : Circulaire relative à la suppression des mouchoirs d’instruction.

A partir de 1937, les mouchoirs sont remplacés par des manuels d’instruction puisque tous les conscrits sont sensés savoir lire. Un fournisseur d’équipement militaire, sellier du faubourg Saint-Honoré reprend l’exercice à sa façon. Ici, une frise napoléonienne, là un hymne aux cantinières de 1860..

Le foulard en soie imprimé de saynètes ou de motifs d’inspiration militaire est devenu un cadeau. Ainsi est né l’archétype du « carré » Hermès, symbole de prestige  et de luxe.

source : Musée de l’armée, Hôtel des Invalides, Paris, exposition « Avec Armes et bagages, dans un mouchoir de poche ».