Né à Noisy le Sec en 1905, personne bien connue des Noiséens, il a fait de la figuration au cinéma et à la télévision, vous l’aurez reconnu, il s’agit de Louis Gabriel Jojot, plus familièrement appelé par son nom de famille « Jojot ».

Louis Jojot en 1994

Ses parents :

Le père Edouard Eugène né le 1er juin 1870 à Noisy, cultivateur

La mère Sylvie Léonie Contant née le 8 février 1869 à Blannay (Yonne)

Mariage à Blannay le 28 janvier 1896

3 enfants :

  • Albert Pierre Alfred né le 23 août 1898 à Noisy, marié en 1930 à Bondy avec Louise Emilie Victorine Chesnel, décédé en 1993 à Aulnay sous-bois
  • André Edouard né le 18 décembre 1899 à Noisy, marié en 1932 à Paris 20e avec Yvonne Marie Durand, décédé en 1980 à Noisy
  • Louis Gabriel né le 22 juillet 1905 à Noisy, décédé le 17 juin 1998 à Montreuil, il avait 93 ans

Le père de Louis est tout d’abord cultivateur. A la naissance de Louis, en 1905, on peut voir sur l’acte de naissance qu’il était marchand de vin, puis il ouvre un café restaurant dans les années 1910 au 30 rue de la Forge avec entre autres comme spécialité des escargots de bourgogne et du vin d’Arcy sur Cure qu’il faisait venir de leur terre natale. Les affaires marchent bien et M. Jojot père achète une salle à côté du restaurant et la transforme en salle de cinéma qui s’appellera le Casino. C’était le premier cinéma à Noisy avant l’Eden et le Rialto.

Le café au début du 20ème siècle

La maison E. Jojot

Au rendez-vous du Marché

Louis Jojot est le petit garçon assis sur le tonneau à gauche.

Toute la famille s’y met, les deux frères s’occupent de l’électricité. A l’époque Noisy étant encore éclairée au gaz ils fabriquaient l’électricité eux-mêmes avec un moteur de Dion Bouton qui a fonctionné jusqu’en 1927. La mère a tenu la caisse jusqu’à l’âge de 90 ans.

Quand Jojot père développe l’activité cinéma il vend son café restaurant à M. Devilliers qui était son beau-frère, il avait épousé sa sœur, Adeline.

Quant à Louis ayant été malade dans son enfance, il a eu une méningite avec séquelles, il ne peut pas faire grand-chose, il s’occupe du chauffage l’hiver et des ventilateurs l’été, du balayage, de placer les clients au balcon, de coller les affiches. Il raconte dans une interview pour le journal de la ville en 1986 « j’en ai ramassé des mouchoirs après un film comique ou dramatique et des éplucheurs d’orange ! Je surveillais les gamins, ils resquillaient en passant par la cour arrière, je les menaçais d’appeler la police, mais je ne le faisais jamais. Mais j’étais surtout chargé du chauffage et de l’aération. En été j’installais les ventilateurs. En hiver j’allumais les poêles à charbon. Quand il gelait fort à -7°, je devais m’en occuper dès 3 heures de l’après-midi pour qu’il fasse assez chaud à la séance de 8 heures, les clients me chahutaient « Alors Jojot, t’as oublié d’allumer ton feu aujourd’hui ».

Le cinéma était ouvert le vendredi, le samedi et le dimanche. Au programme il y avait les actualités, le documentaire et le « grand film » et à l’entracte un numéro de music-hall, il y avait quelquefois des pièces de théâtre avec des troupes en tournée : il y a eu Gémier, Tramel, Bourvil et bien d’autres.

Le samedi c’était plein, tous les commerçants du marché qui déjeunaient au restaurant venaient ensuite voir le film. Les gens se sont mis à louer leur place à l’avance par peur de ne pas en avoir.

Au bout de quelques années le Casino avec ses 250 places devint trop petit, M. Jojot père fit démolir le pavillon où ils habitaient à côté du cinéma pour agrandir la salle qui pouvait maintenant contenir 400 personnes, mais petit à petit la clientèle se fit plus rare, la télévision prit une part du public ainsi que les cinémas à salles multiples.

Ils habitent ensuite au 1 avenue Marceau (près du marché) et c’est là que depuis les années 1930 il amassera une multitude d’objets, environ 15.000, se rapportant au cinéma depuis le cinéma muet jusqu’au cinéma parlant : des photos, des revues, des scénarios, des affiches, des programmes.

1 avenue Marceau

10 avenue Marceau

Son frère André, Directeur des cinémas de Noisy et Bondy, habitera au 10 avenue Marceau., pavillon toujours existant où se tournent régulièrement des séquences de films ou séries télévisées.

A Bondy la famille Jojot exploitait également une salle de cinéma le Kursaal, depuis 1922, il fermera ses portes en 1967.

A 48 ans il commence une carrière de figurant, ce seront toujours des rôles muets. Il rencontre par hasard Jacques Tati quand une amie qui travaillait dans son équipe l’avait invité à assister au tournage de « Mon oncle ». Jacques Tati cherchait des figurants et il a été sélectionné pour jouer un rôle de marchand de légumes. Peu de temps après Jojot se fait pousser la barbe qui n’est pas du goût de Tati, il ne lui demandera plus de jouer dans ses films.

Mais Jojot connait la petite fille du clown Boulicot qui travaille dans les bureaux des Buttes-Chaumont. Elle lui trouve un rôle de figurant dans « L’Habit vert » de Flers et Caillavet.

Ensuite il a joué dans des émissions de variétés de J.C. Averty, surtout dans les « Raisins verts », mais toujours en figurant muet. Un jour il a voulu le faire parler mais c’était trop dur pour lui d’apprendre les textes.

Pendant plus de 30 ans il a fait de la figuration dans près de 200 films dont les vedettes étaient des gens très connus comme Dary Cowl, Catherine Deneuve, Jean Gabin, Pierre Fresnay, Gary Cooper et bien d’autres.

Voici quelques-uns des films dans lesquels il a joué :

Mon Oncle de Jacques Tati, 1956, comme dit plus haut il joue le rôle d’un marchand de légumes

Pourvu qu’on ait l’ivresse, 1958, de Jean-Daniel Pollet, avec Claude Melki

Bande à part de J.L. Godard, 1964 avec Anna Karina, Sami Frey, Claude Brasseur, il joue le rôle de Monsieur Jojot

Pleins Feux sur Stanislas, 1965, de Jean-Charles Dudrumet avec Jean Marais, Bernadette Lafont, André Luguet

Le Roi de Cœur, de Philippe de Broca, 1966, il jour le rôle de Jean de Trêfle

Week-end, film franco-italien de J.L. Godard, 1967, avec comme acteurs principaux Jean Yann et Mireille Darc

Le Bateau sur l’herbe, 1971, de Gérard Brach, avec Jean-Pierre Cassel, Claude Jade

Un Eléphant ça trompe énormément, 1976, film d’Yves Robert, il joue un passant dans le métro

Le Roi des Bricoleurs de J.P. Mocky, 1977, avec Sim et M. Serrault

Tendre Poulet, 1978, avec Annie Girardot et Philippe Noiret, il joue un passant au début du film dans l’accident au coin de la pharmacie

On le voit également beaucoup dans des séries télévisées :

Mauregard, mini-série française en 6 épisodes de 55 mn, réalisée par Claude de Givray, diffusée chaque jeudi du 1er octobre au 5 novembre 1970, dans laquelle il joue le rôle du Père Louis

Rue de Bucy, en 1972, c’est le concierge

Le Président Faust, en 1972, c’est le mendiant

Le Pain Noir, mini-série en 1975, le Père Fraternité

Au théâtre ce soir, en 1978, le colonel Chabert

Père Noël et fils, en 1983

Les enquêtes du Commissaire Maigret :

Maigret et l’homme tout seul, 1982, le vieux clochard

Maigret de l’homme dans la rue, 1988, le clochard

 

Quant à la salle de cinéma, avant la démolition définitive pour la rénovation urbaine du quartier dans les années 1970, la porte est murée et au-dessus, entouré d’une guirlande de fleurs à la peinture fanée, on peut encore lire le nom « Casino ». A l’intérieur plus aucuns fauteuils, des lattes de plancher pourries, le toit est éventré et ne les protège plus de la pluie. La scène est vide et le rideau de velours pend lamentablement. Dans les deux loges les vitres sont cassées et le lierre envahit les murs.

Dans les années 1980 Jojot reste fidèle aux studios des Buttes Chaumont où il passe plus de la moitié de son temps ainsi qu’à la télévision où il déjeune avec ses copains et artistes.

Après 30 ans de figuration, Louis Jojot est devenu une figure connue des milieux de la télévision et du cinéma mais en vieillissant on le demande de moins en moins sauf quand il s’agit de jouer un clochard mais dit-il « je n’en suis pas aigri, je ne regrette rien, cette vie me plait car je l’ai choisie ».

Louis Jojot, un jour de marché.

Chantal Boivin

Sources : Journal de la Ville de Noisy no. 92 1986, Un hebdomadaire de la télévision du mois de mai 1983, et recherches sur internet