La réflexion sur le logement social naît avec l’industrialisation et l’urbanisation massives du XIXe siècle. Le nombre d’urbains croit considérablement entre 1875 et le début de la première guerre mondiale alors que la population totale reste à peu près stable. Le surpeuplement des villes et leurs conséquences poussent certains industriels à réfléchir à la question du logement des ouvriers et leur santé. Les premières initiatives sont  l’oeuvre de philanthropes dans la mouvance des courants hygiénistes (Godin, …).

Les enquêtes menées sur la question du surpeuplement font état de l’insalubrité de l’habitat ouvrier. Les médecins en tirent des conclusions en matière de diffusion des maladies,  épidémies, …

AU XIX e siècle, Paris est entourée de fortifications, comprenant une bande de terrain de 32 km de long et plusieurs centaines de mètres de large : la ceinture.  Après la défaite de 1870, cette « zone » non constructible est délaissée par l’armée et se couvre rapidement de cabanes.

Dans le cadre de l’exposition universelle de 1889 est organisé le Congrès international des habitations à bon marché. Jules Siegfried fonde ensuite la Société française des habitations à bon marché : centre de ressources, de renseignement et de lobbying, pourvoyeuse de plans, de baux et de modèles de statut.

À la veille de la première guerre mondiale, plus d’une centaine de sociétés anonymes sont actives, ainsi que 170 sociétés coopératives.

L’engagement des pouvoirs publics se traduit par la loi Siegfried (1894) permettant la mise en place d’un programme de construction de logements sociaux et de résorption de l’habitat insalubre.

Après la première guerre mondiale, le mouvement réformateur est porté par Henri Sellier maire de Suresne et administrateur délégué de l’office publique d’HBM du département de la Seine.

En 1912, une loi essentielle vise à aller plus loin en démontrant qu’il est possible de construire à bas coût des logements salubres grace à des prêts à faible taux d’intérêt garantis par l’État. Cette loi Bonnevay instaure la création des offices publiques d’HBM et permettra aux communes et aux département de construire des logements de qualité.  Au retour des soldats démobilisés, le manque de logement est énorme. La hausse brutale des loyers provoque la colère des familles. Le nombre d’offices publics ira croissant.

Dans l’après guerre, l’office public d’HBM s’engage en faveur des cités jardins, sur le modèle anglais, composées de maisons individuelles avec jardins privatifs. Les réalisations sont souvent originales et marquées par des préoccupations hygiénistes.

1928. La loi Loucheur est votée à l’unanimité de l’Assemblée Nationale. Cette loi est à l’origine du premier grand essor de construction des logements  dits à bon marché, après la Loi Siegfried de 1894. L’État s’engage par le biais de la Caisse des dépôts et Consignations sur un programme pluri-annuel d’aide financière visant à la réalisation de quelques 250 000 logements sociaux, locatifs et en accession à la propriété. Cette loi est à l’origine de la construction de plusieurs grandes réalisations de l’entre-deux-guerres dans ce domaine. Plus de la moitié des habitations à bon marché est érigée dans l’agglomération parisienne.

Si le financement de ces opérations est aidé indirectement par l’État, leur réalisation demeure encore le fait d’équipes municipales. En l’absence de normes nationales définissant la réalisation de H.B.M, il revient aux responsables locaux de décider en tout de la meilleure utilisation des crédits qui leur est ouvert par la Loi Loucheur et donc des projets urbains.

Mais dans les années 30, les innovations architecturales se réduisent du fait de la crise. L’habitat collectif moins onéreux est privilégié avec des conceptions très rationnelles de l’architecture et l’utilisation de procédés industriels pour la construction.


Les principes d’hygiénisme guident les promoteurs du logement social.

Lotissements – Extrait du Bulletin Municipal de la ville de Noisy-Le-Sec (1929- Sources : AM)
« Des avis défavorables ont été émis pour les lotissements Villa Anatole-France et du Fond d’Orval qui ne remplissaient pas les conditions exigées. Celui du  Moulin Harvy fut autorisé, sous réserve de l’installation de la pose de canalisation d’eau et d’égoût.(…) Le lotissement est électrifié et canalisé en gaz dans toute son étendue. (…) Lors de la remise des voies à la Commune, cette dernière assumera l’éclairage public des rues.

« L’eau à domicile étant indispensable à l’hygiène des habitants, le Conseil décida la suppression des bornes-fontaines sur les voies canalisées, afin d’obliger les propriétaires à installer l’eau dans leurs immeubles, améliorant le confort des locataires. »

Puis en France comme dans les autres pays européens, la seconde Guerre Mondiale bouleversera les rapports internes dans chaque pays, avec un renforcement des pouvoirs centraux. Sous le gouvernement de Vichy est créé le premier organisme national de planification urbaine et de la construction, qui sera repris et développé après la guerre.

Durant les 30 Glorieuses (entre 1945 et 1975), tout conduit à renforcer la prépondérance des pouvoirs centraux de l’État sur les pouvoirs locaux. Le HBM devient le HLM, l’effort de construction est essentiellement porté par l’État : financement, décisions urbanistiques, normes et qualité des constructions. Cette période de forte croissance économique, de plein emploi et d’appel à la main d’oeuvre étrangère marque aussi l’apogée de la banlieue industrielle. La question du logement des salariés de l’industrie qui affluent en région parisienne se traduit par la construction de grands ensembles de logements collectifs.


La reconstruction de Noisy-Le-Sec

La ville de Noisy est déclarée sinistrée le 5 août 1944, alors que la plupart de ses habitants ont quitté les lieux depuis le printemps. Entre 750 et 1300 immeubles sont totalement détruits sur 4113 recensés en 1939 et 1500 sont partiellement endommagés. Le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme est créé le 16 novembre 1944 dans le cadre du gouvernement provisoire du Général De Gaulle et sous la direction de Raoul Dautry.

De septembre 1944 à juillet 1945, l’étayage des immeubles endommagés ou la démolition des ruines menaçantes, le déblaiement comme le déminage sont notamment effectués par les prisonniers de guerre allemands. L’aspect réglementaire et administratif de la reconstruction se met en place via la délégation départementale de la MRU. Pour permettre le remembrement une association syndicale est constituée réunissant tous les sinistrés propriétaires. En 1945 se dressent les premières baraques provisoires.  Elles abritent habitants, commerces, et services administratifs.

En décembre 1945, le projet de reconstruction de la ville mis au point par les services du MRU ers pris en considération, il sera validé complètement en 1948. Il s’appuie pour une grande part sur le plan d’aménagement de la ville conçu à la fin des années 30. Ce plan fait figurer une zone de plus de 35 000 m2 mise en déclaration d’utilité publique et d’urgence. Cette zone spécifique est à la fois destinée à une cité expérimentale de maisons individuelles préfabriquées dans le quartier de Merlan et à un chantier expérimental situé près de la gare.

Ce choix correspond, entre autre, à la volonté du ministre Raoul Dautry d’industrialiser le secteur du bâtiment. Le ministre table sur les maisons individuelles comme les immeubles collectifs qui seront privilégiés dès 1947 pour des raisons économiques. Ces chantiers permettent d’offrir des logements aux sinistrés plus rapidement. Enfin, ils lui donnent la possibilité de faire participer des architectes dans la mouvance du mouvement moderne, à la reconstruction du pays, Paul Nelson, est le lauréat du concours du chantier près de la gare. À Merlan, sont présents, Jean Prouvé, Lionel Mirabaud et Jean Chemineau.

Un focus sur la cité de Merlan

C’est à l’initiative du ministère de la Recontruction et de l’Urbanisme qu’est lancé le concours international de la Cité Expérimentale de Merlan à Noisy-Le-Sec.

Sept pays (France, États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Finlande, Suède, Suisse) participèrent à ce projet qui fut inauguré en 1946. Il s’agissait d’utiliser des procédés de construction industrialisés permettant la production à grande échelle et à bas pris de logements confortables. Prévue pour accueillir 150 maisons, la cité en accueille 56 maisons prototypes dont 26 issues des pays étrangers.  Le chantier vise à l’étude comparée des différentes formules de construction, d’organisation de l’espace et d’équipement. Les maisons étaient attribuées aux familles sinistrées de la commune sur proposition de la municipalité, au fur et à mesure de leur achèvement entre 1946 et 1953. Au 1 er octobre 1948, la cité comptait 42 familles, soit 224 habitants.



Sources :

JP Flamand, Loger le peuple, histoire du logement social. Découverte, Paris, 1989.
Benoit Pouvreau. http://www.noisylesec.net/kiosque/_48c0fae06c59b.pdf
http://www.culture.gouv.fr/culture/regions/dracs/idf/logement-social/
http://www.actuacity.com/noisy-le-sec_93130/monuments/page2
Toit et Moi, http://www.toitetmoi.org/
La cité expérimentale de Merlan, Noisy-Le-Sec, Ville de Noisy-Le-Sec, Conseil général de Seine-Saint-Denis, CAUE 93.