Retour sur la naissance d’une maison prestigieuse
Joseph Alemand fondeur d’argent[1], installe son premier établissement en 1800[2], au 28 rue du Grenier Saint-Lazare, puis au 91, rue Saint-Martin à Paris. Sa fille, Belotte Josèphe Alemand le rejoint et épouse en 1804 en premières noces Joseph Abraham Lyon avant de prendre la succession de son père en 1813. À la mort de Joseph Abraham Lyon en 1828, Belotte reprend la direction de la maison avec ses trois fils. Le Comptoir vend de l’or et de l’argent aux bijoutiers et orfèvres du Marais ; ces derniers travaillent cette matière première dans leurs propres ateliers. En complément du commerce des métaux précieux, la maison dispose d’un comptoir bancaire. Considéré par le monde des affaires comme un « véritable génie commercial », Belotte Lyon Alemand décède en 1870. Sa fortune est alors considérable.
1783 : naissance de Melle Alemand, fille de Mr Alemand
1800 : M. Alemand établi marchand d’or et d’argent à Paris au 91 rue Saint-Martin
1804 : Melle Alemand épouse Mr Lyon
1813 : Mme Lyon Alemand succède à son père et dirige la société avec son mari, puis avec ses trois fils, Alphonse, Léopold et Théophile
1823 : Henri Claude Caplain Saint André achète la maison de Mme Lyon Alemand au 91, rue Saint-Martin.
1825 : Mme Lyon Alemand s’installe au 1, rue de Montmorency où elle fait publiquement commerce d’or et d’argent.
1826 : Installation d’un atelier de travail à façon à Ménilmontant, puis un second à Grenelle.
1828 : Mort de Mr Lyon.
1830 : Occupation de locaux au 13, rue de Montmorency.
1834 : L’affaire familiale prend le nom de « Société Veuve Lyon Alemand et fils » dirigé par Mme Lyon Alemand et ses 3 fils.
1848 : Achat d’une tréfilerie à Persan-Beaumont dans l’Oise.
1853 : Installation au 13, rue de Montmorency dans l’immeuble dont Mme Lyon Alemand est propriétaire avec, une fonderie au rez-de-chaussée, les bureaux au premier étage, les appartements de Mme Lyon Alemand au 2 eme étage.
1864 : Début de l’installation d’une usine d’affinage au 173, rue de Charenton.
1870 : Mort de Mme Lyon Alemand. La raison sociale change et devient « Société Anonyme du Comptoir Veuve Lyon Alemand ».
1871 : La commune de Paris.
« En France, (… ) la plupart des fabricants bijoutiers, presque tous, même les premiers, sont d’anciens ouvriers qui sont arrivés à se créer une situation par leur travail et leur intelligence, aidés fortement de l’appui d’une maison de banque, le Comptoir Lyon-Alemand. (…) Un ouvrier laborieux, apportait à Mme Lyon ses petites économies, lui montrait parfois quelques commissions et obtenait un découvert de quelques mille francs. Je me suis laissé dire que la seule faute commerciale qu’elle ait commise, ce fut d’être sortie de la spécialité et d’avoir étendu ses opérations de banque à d’autres industries que la bijouterie[3]. »
Dès 1871, le poids des activités de crédit et les difficultés économiques fragilisent la santé du Comptoir : la maison familiale se transforme en société anonyme.
Le Comptoir Lyon-Alemand connait, après la guerre de 1870, une période financière difficile. La banque de France lui refuse un bordereau d’escompte d’un montant conséquent, le plaçant en situation de suspension de paiement[4]. L’actif de la société étant d’une grande valeur, une entente est trouvée entre les principaux créanciers : la Société anonyme du Comptoir Veuve Lyon-Alemand est créée. Et grâce à la reprise des affaires qui suit l’année 1871 et du dynamisme commercial des dirigeants du Comptoir, la société retrouve une santé financière. La Société anonyme du Comptoir Veuve Lyon-Alemand devient la Société du Comptoir Lyon-Alemand (CLA) en 1880.
En 1893, de nouvelles difficultés surgissent quand les activités de crédit du Comptoir font peser de nouvelles menaces sur l’ensemble de la société, l’exposant à une mise en liquidation judiciaire, évitée par un concordat trouvé entre les dirigeants du Comptoir et ses créanciers.
Dès les années 1900, sous l’impulsion de son nouveau directeur, le CLA renoue avec la croissance. Mus par un intérêt croissant par l’application de nouveaux procédés industriels (comme le procédé électrolytique[5]), les dirigeants du Comptoir consolident leur stratégie par l’absorption et la création de nouvelles usines de production, d’affinage et l’ouverture de succursales commerciales en France comme à l’étranger. Ils prennent également des participations dans de nombreuses sociétés françaises du secteur des métaux. Dès les années 20, la société du Comptoir est d’envergure internationale et occupe un positionnement stratégique majeur sur les marchés mondiaux de minerais précieux. Dans un secteur exposé à la fluctuation du cours des matières précieuses, la croissance du Comptoir repose sur la sécurisation de ses sources d’approvisionnement et de production.
1875 : Transfert à l’usine de Charenton des ateliers de la tréfilerie de Persant-Beaumont.
1889 : Participation à l’exposition universelle. Obtention d’une médaille d’or dans la classe des industries métallurgiques.
1897 : Reprise de la succursale de Marseille.
1900 : Suppression de la succursale de Besançon. Exposition universelle Médaille d’or Grosse Métallurgie et un grand prix Joaillerie-Bijouterie.
1901 – 1902 : Effectifs : 92 employés. 209 ouvriers.
1902 : Achat de l’atelier Pivot, 13 rue de Montmorency.
1903 : Achat d’une usine d’affinage rue de Lagny appartenant à la banque Rothschild. Transfert de la partie chimique de la rue de Charenton à Lagny.
1910 : Absorption de la société Richard installée à Lyon. Le CLA devient le seul affineur français de métaux précieux. Création d’une usine d’affinage d’argent à Mexico pour le compte de la banque Mirabaud.
1914 : Création d’une agence à Paris, rue Réaumur.
1918 : Achat d’une fabrique de doublé. Installation de succursales à Lyon, Marseille, Strasbourg. Création d’une tréfilerie de fils fins.
1903 – 1922 : 8 augmentation de capital
1922 : Ouverture de deux succursales au Moyen-Orient : Le Caire et Constantinople. Prise d’intérêt chez D. Pennelier à Londres. Prise d’intérêt majoritaire chez Colombo Abramo à Milan. En collaboration avec les établissements Marret, Bonnin, Lebel et Guieu, fondation de la SEMPSA et de la société anonyme Caplain St-André.
1923 : Absorption des établissements Messe, spécialisés dans l’achat de cendres d’orfèvrerie.
1924 : Agrandissement du laboratoire d’essai par l’installation d’un laboratoire d’analyse.
1926 : Achat de la Maison Quenessen de Belmont-Legendre et compagnie, spécialiste du platine.
1927 : Achat de H. Drijfhout et Zoon, à Amsterdam
1928 : Achat de l’usine de Vienne. Fondation du Comptoir Algérien des métaux précieux, à Alger. Prise de participation dans Hochreutiner et Robert.
La crise économique qui sévit aux États-Unis dès 1929 plonge le monde occidental dans une récession sévère ; les industries et leurs financeurs sont pris dans une tourmente majeure.
« L’affaire Vincent, nous l’avons relaté, a beaucoup ému l’opinion. (…) Autoritaire et renfermé, il devint l’animateur unique et responsable du Comptoir Lyon-Alemand, qui sous son impulsion non seulement prit de plus en plus d’importance, mais passa du commerce des métaux précieux aux affaires de banque et de Bourse. Tout alla bien jusqu’au jour où l’agence du Caire fit faillite, éprouvant une perte de 200 millions. La situation du Comptoir s’en trouva fortement ébranlée mais cet échec fut toujours dissimulé, aussi bien aux administrateurs qu’aux actionnaires, André Vincent prétend avoir paré à ce désastre en puisant dans une caisse de réserve secrète… Le délit principal consiste dans la publication de faux bilans à la fin des années 1928, 1929 et 1930[6]. »
Le Comptoir n’est pas épargné par cette crise, happé par la chute du cours des métaux précieux et la forte contraction du crédit. Au mois de juin 1931, une lettre du conseil d’administration met en garde les sociétaires contre une « crise économique dont on ne peut prévoir l’évolution ni la durée ». La société subit effectivement un effondrement général de ses valeurs (de stock, ses actions, son chiffre d’affaires …) aggravé par les résultats de sa succursale égyptienne et les décisions de gestion controversées de son dirigeant, André Vincent[7] accusé de tenter de dissimuler les résultats périlleux de la société. En vain, puisque le 12 octobre 1931[8], cette dernière est mise en liquidation judiciaire. La dette du Comptoir fait l’objet d’un concordat avec ses créanciers en juin 1932, annulé par la création de la Société Nouvelle du Comptoir Lyon-Alemand, le 6 octobre 1936. La nouvelle société reprend l’exploitation industrielle et commerciale du Comptoir Lyon-Alemand.
1931 : Dissolution de la succursale égyptienne. Mise en liquidation judiciaire du CLA.
1932 : Vote d’un concordat.
1934 – 1935 : Dissolution du CLA.
1936 : Constitution d’une société nouvelle du Comptoir Lyon Alemand.
Les dévaluations successives du franc entre 1936 et 1938 et la baisse d’activité constatée sur le marché de la vente d’or et d’argent à destination des détaillants[9] contribuent à maintenir l’entreprise dans une situation économique tendue. Les dirigeants du Comptoir répondent à ces difficultés par la recherche de nouvelles opportunités commerciales sur des marchés industriels nouvellement consommateurs de métaux précieux. Cette stratégie renforce la nécessité de l’entreprise de poursuivre le déploiement de son activité de recherche et d’analyse des propriétés des métaux à des fins industrielles. Le département de la recherche lui permet de posséder de nombreux brevets industriels, comme le brevet Purhypo.
La seconde guerre mondiale met un coup de frein à l’activité industrielle du CLA : la direction est évacuée dans son établissement de Vienne en juin 40, en vue de protéger le stock des métaux précieux, puis revient à Paris en août, le Comptoir fonctionne ensuite à minima ayant une partie importante de ses équipements en zone occupée. Les transactions et le traitement des métaux précieux sont surveillés, contingentés et fortement impactés par les pénuries de matières premières et la destruction des infrastructures logistiques.
Immédiatement après-guerre, ces pénuries perdurent et freinent les efforts entrepris par l’appareil productif français pour accélérer la reprise de la production. Les retards économiques et technologiques pris pendant ces années noires sont importants. D’autant qu’à contrario, les usines américaines ont tourné à plein régime et ont pu bénéficier de la dynamique industrielle militaire. Il faut attendre 1947 pour que le CLA retrouve les chemins de la croissance de son chiffre d’affaires, en France comme dans ses filiales étrangères.
1937 : Création du laboratoire de recherche.
1938 : Le CLA décide de s‘ouvrir aux applications industrielles. Création du Comptoir Marocain des métaux précieux à Fès.
1939 : Le CLA obtient l’exclusivité d’un nouveau procédé de récupération de l’argents contenu dans les bains de fixage : le procédé Purhypo. Activité réduite, principalement de la récupération. Mise sous séquestre de Columbo Abramo à Milan ; il n’y aura plus un gramme de métal à la fin de la guerre.
1940 : Le 12 juin, évacuation de la Direction du CLA à Vienne avec famille et lingots de métaux précieux, en voitures personnelles. Le stock de métaux est ainsi resté à Vienne pendant toute la guerre.
1946 : Création du Comptoir Tunisien de Métaux précieux à Tunis.
Ce contexte économique pousse d’autres établissements historiques du secteur du traitement des métaux précieux, comme la société Caplain St-André ou les établissements Marret, Bonnin, Lebel & Guieu, à réorienter leur politique industrielle afin de retrouver une compétitivité perdue.
Les établissements Marret, Bonnin, Lebel & Guieu envisagent ainsi une réorganisation de leurs activités par la cession de leurs affaires de métaux précieux au bénéfice de leurs activités financières. Ils ouvrent des pourparlers avec le Comptoir Lyon-Alemand qui aboutissent en 1948 à la fusion des activités industrielles et commerciales des deux sociétés.
Ainsi, en juin 1948, les établissements Marret, Bonnin, Lebel & Guieu apportent à la Société nouvelle du Comptoir, leur fonds de commerce et d’industrie pour métaux précieux comprenant leur usine de Noisy-le-Sec dans laquelle ils fondent, affinent, travaillent l’or, l’argent, le platine, produisent des alliages et des apprêts et réalisent diverses applications de chimie industrielle de ces métaux.
La croissance importante du chiffre d’affaires de la nouvelle société devenue Comptoir Lyon-Alemand et Marret, Bonnin, Lebel & Guieu réunis témoigne d’une reprise générale de l’économie mondiale dans un contexte de libération des marchés de l’or et de l’argent. Elle confirme également les orientations stratégiques prises par les dirigeants des sociétés respectives. Ces derniers poursuivent la réorganisation de l’équipement productif de l’entreprise afin de l’adapter aux nouveaux défis industriels de l’après-guerre. Ainsi, l’usine de Noisy, construite en 1908 puis gravement endommagée par les bombardements du 18 avril 1944 bénéficie d’un vaste programme de reconstruction qui s’étalera de 1949 à 1952. Au terme de cette phase de modernisation, le Comptoir étend encore son site de production en rachetant en 1956 l’usine de La Madeline, contigüe à l’usine de Noisy dite ancienne usine Corbin.
Le Comptoir, devenu « CLA SA » en 1955, dispose sur son site noiséen d’un ensemble industriel moderne parfaitement intégré et compétitif sur le marché des métaux précieux et non précieux.
1948 : Fusion du CLA avec les Etablissements Marret, Bonnin, Lebel & Guieu
1949 – 1952 : Reconstruction de l’usine Marret… à Noisy-le-Sec qui deviendra Noisy-Métallurgie
1949 : Acquisition d’un local à Lyon.
1950 : Ouverture d’une succursale Hochreutiner et Robert à Genève.
1956 : Acquisition de l’usine de la Madeleine à Noisy-le-Sec contigüe à Noisy-Métallurgie.
Les mouvements de concentration industrielles se poursuivent. En 1957, le CLA et les établissements E. Louyot[10], spécialisés dans la métallurgie du cuivre, du nickel et de leurs alliages fusionnent sous la dénomination Comptoir Lyon Alemand, Louyot &cie.
Cette fusion permet au Comptoir de prendre une place prépondérante sur le marché du nickel. Outre ses activités industrielles, les Établissements Louyot lui apportent leur usine de Bornel, leur siège social et des magasins, rue de la Folie Méricourt. La nouvelle société transfère ses ateliers de la rue de Charenton à Noisy-le-Sec en 1959. En 1963, le site de Noisy s’agrandit et accueille une nouvelle usine chimique ultra-moderne de plus de 7000 m2, destinée à remplacer les équipements de la rue de Lagny. Le CLAL dispose sur un seul site, à Noisy-le-Sec d’un équipement industriel complet destiné à l’affinage, aux traitements métallurgique et mécanique des métaux précieux et semis précieux.
En 1967, le site de Noisy accueille un nouveau matériel de laminage de haute précision de bandes d’argent de grande largeur[11], aménage un atelier de fabrication de nitrate d’argent et met en service un atelier de préparation de pâtes et peintures métalliques pour l’industrie électronique.
1957 : Fusion avec les établissements Louyot-Bornel.
1959 : Fin du transfert de la rue de Charenton à Noisy. Dissolution du Comptoir Tunisien des Métaux Précieux.
1960 : Début de la construction de Noisy-Affinage.
1962 : Suspension des activités du Comptoir Algérien des Métaux Précieux.
1963 : Installation de Noisy Affinage. Destruction de l’usine de la rue de Lagny.
1967 : Absorption des tréfileries Argor et réorganisation de l’activité de l’usine de Villeurbanne.
1968 : Achat de l’hôtel d’Hallwyll et de l’immeuble situé au 16, rue Michel Le Compte à Paris.
1969 : Achat de locaux industriels à Fontenay-Trésigny en Seine-et-Marne.
Le Comptoir connaît en 1967 plusieurs augmentations de capital pour répondre à ses besoins d’expansion. Les industries automobile, électronique et nucléaire boostent l’activité du CLAL et contribuent à son renforcement sur le marché européen alors que la société cherche à s’implanter sur les marchés américain et asiatique.
Lors des événements de mai 68, les salariés du Comptoir bloquent les sites de production pendant près de 5 semaines.
À Noisy-le-Sec, les salariés se relaient jour et nuit sur le site de l’usine où un comité de grève animé par 70 salariés y organise la vie quotidienne, de la distribution des repas à la gestion du dortoir et la sécurisation de l’outil de production.
Après 1970, le Comptoir entre dans l’ère des « patrons d’industrie », attachés à une nouvelle conception du management, affichant l’ambition de moderniser leurs organisations, attentifs aux études statistiques, quantitatives et désireux d’incarner une nouvelle modernité à l’ombre de la normalisation et de la prospective.
En 1974, le CLAL est ainsi une société prospère au capital de 105 883 275 F, structurée en départements « métaux précieux et métiers d’arts », « métaux précieux et applications industrielles », « aux métaux divers », d’un département « étranger » et « Purhyo » ; complétant un laboratoire de recherche et d’analyses.
Il fabrique et commercialise des produits pour les industries automobile et chimique, des toiles platine pour l’industrie de production de verres spéciaux, des pinces et creusets pour les industries médicale et électronique, l’industrie nucléaire, la téléphonie… sans oublier la monnaie.
Le Comptoir scinde ses activités financières et industrielles en ouvrant en 1977 la Banque commerciale et industrielle du Marais (BICM[12]). Cet établissement (110 personnes, 120 millions de francs de fonds propres, près de 2 milliards de francs de bilan) est une banque d’affaires, spécialisée dans l’ingénierie financière et la gestion de patrimoine. Elle sera ensuite revendue à la Banque Vernes.
1976 : Achat de Shteinshleifer (USA).
1977 : Installation d’une usine à Weesp (Pays-Bas).
1982 : Installation d’une unité de concentration des déchets à Hemel Hempstead (GB). Création d’une filiale de la SEMPSA à Panama. La COTRAMSA. Réactivation de la filiale italienne LAI, par la création d’un bureau de vente de produits industriels à Milan.
1983 : Création d’une filiale en Suède, en Allemagne, d’un dépôt à Nice.
1984 : Création d’une unité pilote d’affinage à Noisy. Fermeture de Shteinshleifer.
La financiarisation de l’activité industrielle marque particulièrement la décennie des années 80. Sous les menaces conjointes d’une nationalisation de l’entreprise et de la prise de participation croissante de holdings dans son capital, le CLAL passe sous le contrôle de l’ALSPI (Alsacienne de Participations Industrielles), elle-même détenue par la holding Lille-Bonnières & Colombes.
Les années 80 s’achèvent sur un projet de restructuration du CLAL, porté par une « recherche de verticalisation des unités de production » et appuyé par un audit externe à la demande de la direction en vue de « pousser un nouveau train de réformes ».
En 1989, un groupe Progrès est lancé « dont la direction attend un ensemble de propositions pour un plan d’action visant à améliorer à 3 ans « d’une manière drastique », le niveau de performance du Groupe CLAL dans le domaine des métaux précieux ». Les préconisations du groupe amènent à recentrer la société autour de 8 divisions que sont la « Division des métiers d’art (DMA), la « Division Joaillerie » (DJO), la Division « Argent industriel » (DAI), la Division « Platine industriel » (DPI), la Division « Mesure de Température » (DRA), la Division « Récupération Affinage » (DRA), la Division « Fils spéciaux » (FSP) et enfin la Division « Métaux spéciaux » (MSX).
Cette réorganisation s’accompagne d’une réduction du nombre de salariés dans l’entreprise française.
Mais en 1992, le CLAL passe sous le contrôle de Marc Ladreit de Lacharrière à l’occasion de la prise de contrôle par sa société, de l’Alsacienne de Participation Industrielle, actionnaire principal du CLAL.
« Sa véritable ascension, il la doit à deux fées, Suez et le Crédit Lyonnais. De son passage dans la banque, l’homme a conservé l’amitié de Philippe Malet et de Jack Francès. Ceux-ci lui ont ouvert les portes d’un invraisemblable entrelacs de holdings, baptisé « Suez Bis », et mis en place pour protéger l’assureur Victoire de la nationalisation de sa maison mère. Marc Ladreit de Lacharrière s’était offert une position charnière pour « une mise de fonds assez faible, des emprunts assez forts ». Lorsqu’en 1989 la bataille éclate, il se range résolument dans le camp opposé au groupe nationalisé.
Il y gagne une réputation – celle de ne pas trahir -, et les clés de deux holdings majeurs, Lille Bonnières Colombes et Alspi. Formé à l’école de Suez -et à celle de L’Oréal-, l’entrepreneur s’en empare avec brio. En fusionnant des holdings décotés et avec l’aide, opportune, de la loi Dailly qui annule les titres détenus en auto-contrôle, il met la main sur une structure riche de dettes mais aussi, selon certaines sources, de près de 4 milliards de francs de cash. Le groupe Fimalac est né [13]».
En 1993, l’effectif total du CLAL est encore ramené à 1351 personnes (contre 1688 en 1991), dont 556 ouvriers… Le site de Noisy-le-Sec emploie 477 personnes (265 ouvriers, 65 employés, 55 techniciens, 30 assistants de maintenance, 62 ingénieurs et cadres). Dont 33,6 % de femmes (454) et 66,4 % d’hommes (897)[14].
La société change d’identité graphique. La Division « Mesure des températures » est cédée à Heraeus Sensor. Cette même année, le projet COCLICO est lancé pour mobiliser le personnel autour d’un vaste plan d’amélioration de la qualité dans chaque division. « CO-pour compétence. CLI – pour clients. CO – pour concertation ».
« À partir de 1994, date à laquelle il est acheté par Fimalac, qui retint ses métaux et sa trésorerie lors de son regroupement avec Engelhard en juin 1995, il connait de grandes difficultés et est progressivement découpé en morceaux puis vendu en environ cinq ans à divers groupes étrangers. Les emplois furent perdus, les métaux stratégiques retenus par l’actionnaire furent vendus à l’étranger, alors que ses anciens concurrents allemand, belge, anglais, suisse, japonais, italien continuaient leur activité. Le peu qui restait de l’entreprise disparut vers 2003 et, avec elle, le négoce français des métaux, qui était pourtant utile par le stockage qu’il constituait et par la création d’opportunité de marché[15]. »
En 1994, la FIMALAC décide de créer une joint-venture avec la société Engelhard.
Le CLAL, très présent en Europe, occupe en 1995 la quatrième place mondiale dans le domaine du traitement des métaux précieux. Engelhard spécialisée dans la galvanoplastie et dans la métallurgie du platine domine les marchés américain et anglais et dispose d’une forte implantation en Extrême-Orient. Cette concentration vise à conserver une place prépondérante sur les marchés industriels de plus en plus concurrentiels. Pourtant, ce rapprochement sonne plutôt le « glas » du Comptoir. Lors de la réorganisation des entités du groupe de Marc Ladreit de Lacharrière au sein de la FIMALAC, le CLAL disparaît en tant qu’entité juridique. Puis sous l’effet de la création de cette joint-venture, le CLAL est divisé en deux entités distinctes : Engelhard-CLAL (« leader mondial » dans le domaine du négoce, de la récupération, de l’affinage et de métallurgie des métaux précieux comme l’Or, l’Argent, le Platine, etc.) et le CLAL-MSX, qui devient une filiale de la FIMALAC (qui consacre son activité à la métallurgie des métaux non ferreux comme le cuivre, le nickel, le zinc, etc.).
Privé de ses métaux précieux et de sa trésorerie lors de la scission, la joint-venture rencontre des difficultés financières : les actionnaires amorcent la vente à la découpe de l’entreprise.
En octobre 2000, la partie « métaux précieux » du CLAL est cédée au groupe londonien Cookson, « leader mondial » de la transformation des métaux précieux et devient Cookson-CLAL. En 2013, Cookson-CLAL est lui-même racheté par le groupe allemand Heimerle+Meule. Et le CLAL MSX est racheté en 2003, par le personnel de l’usine de Bornel.
L’activité « Contacts » est cédée à Technipol en 2001. La Division « Fils spéciaux » est cédée à Thermocompact en 2001. En 2002, Metalor acquière la Division « Affinage », Thessco la « brasure » et la division « Platine » apprêtée ayant pris, quant à elle, l’appellation PLATECXIS est revendue à Heraeus en 2004 (Toiles) et 2006 (le reste).
En 2011, l’Établissement Public Foncier Ile-de-France acquière le site. Le permis de démolir est accordé en 2012, le site est détruit en 2014.
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SOURCES
- Archives départementales de la Seine-Saint-Denis.
- Archives Municipales de la ville de Noisy-le-Sec.
- Archives de la Maison des syndicats de Noisy-le-Sec.
- Archives personnelles des anciens ouvriers du CLAL.
- Archives familiales de Mr Stéphane Marret.
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Sources et ressource en ligne
- http://www.champsecret.org/2014/05/affineurs-d-or-et-d-argent-du-bocage-ornais-6.html
- http://www.pascalchour.fr/perso/divers/cla/cla3/cla3.htm
- http://www.wikiwand.com/fr/Comptoir_Lyon-Alemand,_Louyot_et_Cie
- http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/fr/egf/donnees_efg/2009_028/2009_028_INV.pdf
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[1] Source : McDonald Donald, Hunt Leslie (1982) A History of Platinum and its allied metals, cité par Marcia Kooistra in http://www.champsecret.org/2014/05/affineurs-d-or-et-d-argent-du-bocage-ornais-6.html#sdfootnote1sym Consulté le 13/01/2017
[2] Plaquette du Comptoir Lyon Alemand -1922. Page 3.
[3] Le Joailler N°29 – 1875
[4] Source : Stéphane Marret. Une histoire du CLAL
[5] Source : Stéphane Marret. Une histoire du CLAL
[6] Le Petit Parisien. 10 juillet 1934
[7] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62157339/f10.item.r=1936%20Comptoir%20Lyon%20alemand.zoom
[8] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6122991j/f31.image.r=Comptoir%20Lyon%20alemand
[9] Stéphane Marret – Une histoire du CLAL
[10] Emile Louyot : ingénieur, constructeur dirgie depuis 1888 une entreprise de métallurgie. 1894 Usine de Bornel. Création d’une cité ouvrière.
[11] Source : Stéphane Marret – Une histoire du CLAL
[12] http://www.lemonde.fr/archives/article/1987/06/13/le-retour-aux-affaires des-nationalises_4055330_1819218.html#HHBl0EFdGCQu0GKC.99
[13] Source : Stéphane Marret Une histoire du CLAL.
Et autre source : http://www.liberation.fr/futurs/1996/02/28/fimalac-la-nebuleuse-s-extrait-de-la-brumemarc-ladreit-de-lacharriere-a-annonce-une-vaste-fusion-cla_161685
[14] Sources : Bilan économique et social du CLAL – 1993.
[15] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-off/i3771-tI.asp